Médecin, humaniste et homme d’affaires
Dr Sameh Fanous
Par Isabelle Boin-Serveau
De sa lointaine Égypte Sam Fanous a conservé le sens de l’hospitalité et l’attention chaleureuse d’un regard qui met en confiance. Malgré un agenda très rempli à la suite de l’ouverture en octobre dernier de l’Institut de l’œil de Montréal, le docteur Fanous a pris le temps de me rencontrer dans ce nouveau temple avant-gardiste dédié à tous les soins de l’œil.
Située au 2300 boul. Marcel-Laurin à Montréal, la bâtisse de 24 000 pi2 s’élance sur deux étages vitrés. Inondé de lumière, le très vaste hall d’entrée dégage une impression de luxe que l’on s’attend à retrouver dans les centres de santé privés. À l’accueil, le sourire avenant des réceptionnistes trahit l’absence totale de stress alors que des patients attendent sur de très confortables fauteuils. Quelques-uns profitent de la présence d’un réseau sans fil pour naviguer sur leur ordinateur ou sur leur tablette. Tout a été prévu pour limiter les attentes grâce à l’implantation d’un circuit conceptualisé par des experts américains du domaine afin de fluidifier la circulation des patients à l’intérieur de l’Institut. Ici, la gestion se fait sans papier grâce à la numérisation des dossiers et à l’utilisation des meilleurs outils technologiques. Tout un contexte qui donne la sensation de pénétrer dans un univers médical futuriste…
Un héritage de science
Sam Fanous voit le jour au Caire dans une famille dédiée depuis plusieurs générations à la médecine. Vers l’âge de 10 ans cependant, Sam rêve de devenir pilote d’avion, mais il est surtout fasciné par tout ce qui touche à la vue. « À l’époque, je trouvais qu’il était facile de comprendre comment on marche, comment on mange, mais je ne pouvais pas concevoir clairement comment on voit. Ma perception de la vision ressemblait à un miracle et il fallait que je perce ce mystère… Et le problème, c’est qu’aujourd’hui encore je n’ai pas toutes les réponses à mes questions! », avoue l’ophtalmologiste qui a toujours participé à l’avancée de sa discipline.
C’est sous l’influence de son frère aîné, qui poursuit des études de médecine à Montréal pour devenir chirurgien plastique, que toute la famille Fanous débarque dans la métropole au début des années 1970. Sam, qui a 22 ans, entreprend aussitôt sa médecine à l’Université de Montréal et obtient son diplôme en ophtalmologie dès 1982. Il s’exile brièvement aux États-Unis pour parfaire ses connaissances sur le glaucome. À son retour, commence pour lui le parcours d’une carrière parsemée d’honneurs professionnels, de réussites commerciales mais aussi d’altruisme. Car Sam l’humaniste organise toujours deux fois par année ses propres missions au Moyen-Orient afin d’y opérer les plus démunis.
L’obsession de mieux faire
Il passe quelques années à l’Hôtel-Dieu afin de mettre en œuvre ce qu’il appelle volontiers « une architecture innovante du trafic des patients » dont l’objectif est de trouver le moyen de faire gagner du temps à tout le monde et d’éviter les va-et-vient aussi bien pour les patients que pour le personnel soignant et administratif. Il mettra son expertise à la création d’un département d’ophtalmologie situé dans le Centre hospitalier de Valleyfield. Parallèlement à ces activités, Sam Fanous est chargé de cours et est nommé chef de la section glaucome de l’Université de Montréal. Il fonde également la première Clinique de l’Oeil de Montréal où il pratiquera des milliers d’interventions chirurgicales. Il sera d’ailleurs le premier ophtalmologiste canadien à implanter une lentille intraoculaire pliable pour la chirurgie de la cataracte à la fin des années 1980. En 1992, il sera, là encore, le premier chirurgien à opérer la cataracte sans anesthésie et sans suture, introduisant au Canada une technique qui permet au patient de voir immédiatement après la chirurgie. Une année plus tard, il offrira en primeur au Canada l’implantation d’une lentille multifonctionnelle dont il poursuivra l’étude jusqu’en 1996.
Au cours des mêmes années, entre recherches, opérations, enseignement et affaires, Sam Fanous est convoité par le Centre hospitalier de Lachine qui veut implanter un département d’ophtalmologie. « Il s’agissait vraiment pour moi d’avoir tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre un projet efficace, mais on m’a fait comprendre que le budget ne pourrait pas être illimité et j’ai décliné la proposition », explique celui qui ne vise que l’excellence. C’est alors que Noël Spinelli (homme d’affaires philanthrope), président de la Fondation du Centre hospitalier de Lachine à l’époque, entre en jeu et s’enquiert du budget nécessaire pour que Sam Fanous réalise le projet : « Il m’a accordé le double du budget initial. Un montant qui s’avérait essentiel pour pratiquer l’ophtalmologie dans des conditions optimales aussi bien pour le personnel soignant et administratif que pour les patients en général. » Quelque 20 ans plus tard, le département d’ophtalmologie de Lachine est toujours reconnu comme un centre d’excellence pour la chirurgie de la cataracte.
Une réalité à changer
Au fil du temps, Sam Fanous se rend compte que sa liste de patients en attente d’une opération (entre deux et trois ans) à l’hôpital ne cessait de croître au même rythme que les journées opératoires étaient réduites afin de traiter des cas jugés plus importants que ceux de l’ophtalmologie : « Mais à mes yeux, il est anormal que les gens, qui ont payé des taxes durant toute leur existence, ne puissent obtenir de soins essentiels… et il n’était désormais plus rare que je contacte des patients décédés depuis des mois avant d’avoir pu bénéficier d’une opération de la cataracte! » Frustré de cette situation, Sam Fanous commence à lorgner vers les États-Unis pour exercer sa profession.
Mais le médecin doit compter avec sa réalité familiale. Ses trois enfants n’apprécient pas la perspective d’aller vivre aux États-Unis. C’est aussi au même moment que l’ophtalmologiste décide de se désengager de la RAMQ. Il remarque que de plus en plus de patients sont prêts à payer pour se faire opérer : « J’ai même offert une journée gratuite d’opérations au Centre hospitalier de Lachine pour ceux qui n’avaient pas les moyens de se faire opérer dans le privé. Une offre qui n’a malheureusement pas duré plus de deux mois lorsqu’un médecin a saisi le conseil d’administration de l’hôpital pour m’empêcher d’opérer, puisque la loi interdit à des médecins désengagés et à des médecins participants au régime public de pratiquer sous un même toit », ajoute celui qui croit malgré tout au service public.
Comblé par les reconnaissances de ses pairs et toujours aussi « allumé » par les nouvelles technologies dans son domaine, Sam Fanous savoure les prémisses de son vaste projet d’avenir: « Je voudrais que l’Institut de l’Oeil de Montréal devienne le centre de référence pour les patients et un centre international de l’excellence en pratique et en recherche. »