Isabelle Dalmon et Clément Fagès Disciples d’une longue tradition lunetière

Par Isabelle Boin-Serveau

entrevue
C’est dans le bureau au design très inspiré de VU (pour Vision Ultime) à Beauport que s’est déroulé la rencontre avec le jeune couple d’opticiens originaires de France. Certes, Isabelle Dalmon et Clément Fagès ne sont pas les seuls ressortissants de l’Hexagone à avoir choisi de vivre au Québec, tant la province sait séduire par ses qualités d’accueil, mais ils figurent sûrement parmi les plus chanceux à s’être intégrés aussi rapidement et aussi bien dans la société québécoise.

Une intégration parfaite qui doit beaucoup à leur ouverture et à leur manière passionnelle d’envisager l’exercice de la profession d’opticien. Et quand on a la chance d’avoir un ami qui s’appelle Richard Giguère et qui saura être là pour les aider à s’installer, on comprend que le destin d’Isabelle et Clément est placé sous les meilleurs auspices!

Dans la capitale française de la lunetterie

Tous les opticiens connaissent la petite, mais iconique, commune de Morez, située dans le Haut-Jura, qui abrite un musée unique au monde, celui de la lunette. Dans ce coin enserré au creux des plis du massif jurassien, se concentre la prestigieuse élite de la lunetterie française. Et là-bas, on ne badine pas avec les lunettes… Le lycée Victor-Bérard exige d’ailleurs de ses étudiants rigueur et discipline (presque militaire) tout au long des deux années que dure l’apprentissage en lunetterie. Outre l’enseignement de cette discipline, le lycée accueille des étudiants en génie optique qui percent les secrets de l’optique instrumentale ou de la photonique. Dans ce bouillon de culture, qui sait réchauffer les longues soirées d’hiver montagnard, Isabelle et Clément ont apprécié les exigences d’un enseignement strict tant ils avouent avoir été saisis, dès leur arrivée, par la contagieuse passion de la lunetterie. D’ailleurs là-bas, on ne tolère pas les élèves trop tièdes ou trop excités… De la mesure en toute chose et de l’art maîtrisé avant tout!

Le couple de trentenaires décrit avec enthousiasme son séjour d’études qui aura aussi vu éclore une relation amoureuse. Les yeux brillants, ils évoquent leurs passages fréquents dans les ateliers de manufactures lunetières (celles de L’Amy mais aussi de Morel, et d’autres plus petites) pour observer les ouvriers travailler, le minuscule laboratoire sous les toits d’une grange d’un coloriste génial, le son des tonneaux de polissage dans le froid glacial de l’hiver, les conversations animées entre les étudiants soudés par la même passion, le premier taillage à la main sans meuleuse électrique qui leur a permis de ressentir la résistance du verre, les inlassables répétitions manuelles pour parvenir à maîtriser le geste de l’artisan, etc. « C’était l’endroit idéal pour apprendre des choses qu’on ne voit nulle part ailleurs! » affirment-ils avec fierté. Parce qu’à l’instar de leurs camarades, ils partagent un attachement indéfectible envers leur école. Des camarades qui appartiennent pour la majorité aux grandes familles de lunetiers et avec lesquels Isabelle et Clément ont su tisser des liens serrés « même s’ils avaient bien sûr une longueur d’avance sur nous» puisqu’ils étaient nés dans le berceau de l’optique… Car, a priori, rien ne prédestinait Isabelle et Clément à devenir opticiens!

Les révélations : entre hasard et déboire

Clément doit tout au hasard qui a placé un bureau d’opticien sur son chemin au lieu d’une boutique de bijoutier : « C’était au secondaire, dans le cadre d’un stage de découverte en entreprise. Je me suis arrêté à la première boutique, celle de l’opticien avec lequel j’ai bavardé longuement. Il m’a accepté en stage et j’ai eu la révélation! Cela correspondait à mes aspirations : j’avais envie d’être en contact avec le public mais aussi de réaliser des travaux manuels… » Désormais, il était clair que l’adolescent, qui vit alors en Ardèche, ira prendre plus tard la route de Morez. Aujourd’hui, il l’affirme : « Je ne me vois pas travailler dans un autre domaine! »

Isabelle, qui a suivi ses parents dans le sud à Montpellier après avoir vécu en région parisienne, a toujours pensé devenir médecin. Malheureusement, après deux premières années en faculté de médecine, l’université ne l’autorise pas à continuer : « J’étais totalement déçue et vraiment déprimée… C’est alors que ma mère m’a parlé de l’École de Morez et m’a fait remplir un dossier d’inscription alors que je ne connaissais rien à la profession d’opticien. En fait, je n’avais même pas envie d’y aller… Et puis, j’appréhendais de m’y retrouver, moi qui ai toujours vécu dans de grandes villes…» Isabelle avait tort puisqu’elle aussi va développer une véritable passion pour la lunetterie. Aujourd’hui, elle l’avoue avec sincérité : « Je remercie la faculté de médecine de ne pas m’avoir sélectionnée! »

De l’apprentissage à la pratique

Ils savaient qu’ils ne sauraient « rien » en sortant de l’École… et que c’est « en forgeant que l’on devient forgeron ». Tous les deux séduits par la polyvalence de la profession, ils demeurent attachés à la noblesse du travail artisanal de l’opticien qui demande précision, dextérité et débrouillardise : « Il faut apprendre à apprendre, avoir de la patience et réfléchir sans cesse en fonction des situations… Nous exerçons vraiment une profession basée sur un mode transmission, car chaque opticien peut en apprendre d’un autre sur la base de son expérience personnelle. »

Diplômés en 1999 et mariés en 2000, Isabelle et Clément exercent séparément dans la région de Montpellier où ils se sont établis. Ils commencent ainsi à engranger des expériences uniques et multiples, dans des bureaux indépendants, mutualistes et dans des chaînes. Et lorsqu’ils se retrouvent le soir, c’est sur le thème de l’optique qu’ils échangent encore… Comme l’on dit au Québec, « ils en mangent »! Mais pour eux, ce n’est pas un problème : « Nous avons l’avantage de partager la même passion et de comprendre les problématiques auxquelles nous devons faire face… » L’un et l’autre constituent une vraie team axée sur un service de qualité et le respect du client. « Nous sommes capables d’expliquer la beauté d’un objet aussi essentiel qu’une paire de lunettes », disent-ils de concert, « peut-être parce que nous savons reconnaître le véritable travail et que nous pouvons expliquer au client les étapes de fabrication de certaines montures et souvent en justifier le prix. Les gens sont friands d’information! » Ils ne nient d’ailleurs pas avoir une considération puriste de leur métier dans laquelle l’attention et le temps consacrés au client ne sont pas « négociables ».

En 2002, leur fille Emma voit le jour et le couple semble destiné à s’enraciner dans l’Hérault. Quatre ans plus tard, l’opticien, chez lequel travaille Isabelle depuis plusieurs années, prend sa retraite. Pour le jeune couple, la perspective de reprendre le bureau est alléchante… en fait, Isabelle en rêvait. Cependant, l’affaire ne pourra se conclure faute d’entente sur le prix de vente. Face à cette déconvenue et puisque le marché de l’optique dans leur région s’avère saturé, Clément propose un départ vers d’autres horizons plus prometteurs. S’exiler pour le nord de la France? L’idée ne les séduit pas vraiment. C’est alors que Clément suggère le Québec en souvenir d’un voyage d’été effectué dans sa jeunesse. Isabelle est sceptique, « on avait une maison, de bons salaires »… mais accepte d’aller voir.

Le Québec, la voie de la réussite

C’est en cherchant des annonces immobilières à Québec que Clément tombe sur des annonces de l’opticien Richard Giguère qui possède, à ce moment-là, de multiples succursales dans la région de la Capitale nationale. Une adresse courriel suffira pour établir et entretenir le contact. Isabelle et Clément veulent faire un voyage de repérage, mais rien n’est encore très certain. Lorsque Richard Giguère et son épouse se rendent dans la région de Montpellier, Clément les invite pour faire connaissance. « Le courant est passé immédiatement! Quelques jours plus tard, on s’est retrouvé à Paris, au Silmo et on a passé la fin de semaine ensemble. Au-delà d’une rencontre avec un opticien c’était une amitié qui venait de se créer », explique Isabelle.

Richard Giguère sera là en 2007 pour les accueillir et leur faire visiter le Québec. Complètement séduits par les perspectives d’une future installation, ils tiennent à s’assurer que leur fillette de 5 ans embarque dans ce projet : « On lui a dit qu’on allait vivre différemment, moins travailler et passer du temps de qualité avec elle. Ici, il y a tellement plus de flexibilité dans les commerces. Et Emma a dit oui! » Dans l’avion qui ramenait la petite famille, un rêve était en train de devenir réalité.

C’est en juillet 2009 que commence l’aventure en Boréalie. Entre allers et retours à Montréal pour obtenir leur équivalence et le travail chez Giguère, les deux jeunes opticiens découvrent la société québécoise : « On a senti une belle ouverture. On s’est très bien acclimatés et nous avons vite créé un cercle d’amis… On a trouvé que la vie est plus simple qu’en France, que les relations entre les gens sont claires et puis, Emma s’est merveilleusement adaptée à cette nouvelle vie. Notre présence ici est une réussite à tous les points de vue! »

Aujourd’hui, ils travaillent dans la même succursale VU, une chaîne qui appartient à l’optométriste Éric Savard avec lequel le couple partage des valeurs centrées sur la qualité du service. Et demain? Isabelle et Clément se laissent guider par un destin qui les a si bien servis jusqu’à présent…

Marie Trudel – Telle est sa quête

Par Isabelle Boin-Serveau

Que fait-on lorsque l’on est une quadra dotée d’une énergie débordante, d’une expérience privilégiée sur le terrain de l’optique et d’une folle envie de partager sa passion? On fait exactement comme Marie Trudel, opticienne de Québec, qui a osé ouvrir son bureau dans la tourmente économique et qui fait taire ceux qui se plaisent à annoncer la mort de la pratique pour les opticiens indépendants… Au cours de notre visite, nous avons pu constater que tout semble aller pour le mieux dans l’entreprise joliment nommée MaVue Marie Trudel!

Il y a 10 ans, j’ai eu la chance de rencontrer le père de Marie, feu l’opticien Robert Trudel, dans son bureau situé sur la rue Marguerite-Bourgeoys à Québec. Sa fille a certes hérité de sa jovialité et de sa gentillesse, mais pas seulement, puisque sa façon de concevoir la profession demeure sous l’influence d’une molécule ADN à la fois semblable et différente.

Un milieu qui favorise la vocation

Marie est la seule d’une fratrie de deux enfants à éprouver un engouement pour l’optique : « J’avais une dizaine d’années et, l’été, je passais beaucoup de temps dans le bureau de mon père. J’aidais à l’emballage des lunettes destinées aux clients qu’il rencontrait durant ses expéditions dans le Grand-Nord… je préparais les fiches dactylographiées avec les adresses… enfin, je faisais tout un tas de petites choses. »

Les étés se sont succédés et l’intérêt de Marie pour cette activité ne s’est jamais émoussé malgré sa difficulté à accéder à la formation en orthèses visuelles « parce que déjà durant les années 1980, le cours était contingenté… ». Elle en profitera pour vivre d’autres expériences professionnelles, notamment au Nicaragua : « Là-bas, j’ai eu l’occasion de faire de la publicité à la radio pour des cliniques de santé. » Pendant ces deux années, elle aura non seulement pratiqué l’espagnol mais aussi développé très concrètement des approches de marketing.

À son retour au Québec, au début des années 1990, Marie Trudel intègre pour quelques années l’équipe du bureau d’optique Chapleau Laroche à Montréal. Elle saisit alors l’occasion pour réitérer sa demande d’admission au Collège Édouard-Montpetit afin d’y suivre le cours d’opticien : « J’avais 32 ans et il fallait que je prenne ce virage… » Même si elle avoue avoir ressenti un certain décalage avec les élèves plus jeunes, sa facilité d’adaptation lui permettra de passer au travers des trois années avec succès : « J’ai pris cela comme ça venait et je suis très contente d’avoir réussi à relever ce défi-là. » Elle fera son stage en terrain connu dans le bureau montréalais de Nicole Laroche et rejoindra ensuite le bureau paternel de Québec jusqu’au décès de Robert Trudel en 2006.

À la suite de cet évènement malheureux et de la fermeture du bureau, Marie Trudel offre le service à la clientèle depuis son domicile et assure les garanties sur les produits. Parallèlement, elle jette les bases de sa future entreprise et repère un local bien situé sur le chemin Ste-Foy. « Finalement, les choses se sont mises en place. Tout s’est très bien déroulé parce que j’étais bien entourée », atteste celle qui durant la même année a dû s’occuper de la mise en place de nouveaux équipements ophtalmologiques pour les services de santé de la Baie James :« Il fallait renouveler tout l’appareillage portable qui allait permettre de desservir toutes les communautés autour de Chisasibi. »

Expéditions entre les 49e et 55e parallèles

« Quand j’accompagnais mon père dans le Grand-Nord, il me montrait le soir comment il prenait les mesures pour effectuer les meilleurs ajustements de montures », raconte Marie Trudel qui a ainsi hérité d’un art de l’ajustement mis à l’épreuve tout au long d’une longue carrière d’opticien. Aujourd’hui, elle met en application ce savoir-faire aussi bien dans son bureau de Québec que dans les cliniques qui desservent les communautés du Nord-du-Québec.

« C’est en 2007 que j’ai soumis ma candidature à l’Université McGill pour obtenir l’autorisation de servir les communautés de la Baie James », explique l’opticienne qui a d’abord effectué ses expéditions en compagnie d’ophtalmologistes. « Mais avec le temps, il y a eu moins de médecins disponibles pour œuvrer dans ces cliniques mobiles et j’ai dû trouver des optométristes pour m’accompagner », souligne Marie Trudel qui, à l’heure actuelle, se déplace neuf semaines par année en compagnie de l’optométriste Alain Gélinas. Néanmoins, les services de santé des Cris bénéficient toujours de la présence d’un ophtalmologiste pour assurer les consultations.

Là-bas, Marie Trudel rencontre les communautés qui vivent à la Baie James et il n’est pas rare que certains de ses clients se souviennent de son père : « On prévoit nos visites en fonction du climat mais aussi des activités de ces populations comme les périodes de chasse ou de pêche. Ce sont de beaux liens qui se créent. Ils sont tellement attachants et chaleureux! Et c’est aussi une population très joyeuse et rieuse. »

Cette pratique sous ces latitudes extrêmes plonge l’opticienne dans un univers très particulier. « En général, nous communiquons en anglais, mais il y a toujours un interprète avec nous parce que certaines personnes âgées ne comprennent que la langue autochtone », rapporte Marie Trudel.

À la Baie-James, la jeune femme troque les talons hauts pour les bottes de fourrure et adore consacrer tout son temps à l’ajustement des lunettes et à la résolution de cas problématiques : « Morphologiquement, les habitants de ces régions ont les tempes arrondies et souvent brûlées par le froid. C’est pourquoi il est tellement important que les montures soient parfaitement ajustées. Ici ou là-bas, c’est toujours le confort des personnes que je vise. »

MaVue : sous le signe de la pluridisciplinarité

Pendant ses absences du bureau, Marie Trudel peut compter sur trois opticiennes compétentes, Martine Girard, Émilie Imbeault et très prochainement Geneviève Tardif, qui procurent un service de qualité séduisant à de plus en plus de clients. Et ce n’est pas un hasard si Marie Trudel a figuré parmi les trois finalistes du concours Transitions Academy 2012 : une nomination remarquable pour un bureau qui n’a que trois ans d’existence!

« Quand on veut dans la vie, ça marche! Et c’est comme cela que j’ai réussi à trouver les services d’un optométriste, Jean De Lorimier, qui a quitté Rivière-Du-Loup pour Québec. Et puis, j’avais envie d’offrir un plus à ma clientèle en proposant les services d’ophtalmologistes et un suivi important pour les personnes atteintes de basse vision. », poursuit Marie Trudel qui peut déjà compter sur la présence du Dr René Duguay et celle de Dr Richard Tourigny qui a d’ailleurs travaillé avec son père.

Nous le savons tous, les femmes en affaires sont exigeantes, mais elles ont une façon bien à elles de faire passer leur message : tout en art de convaincre et en joyeuse collégialité. C’est exactement de cette façon que les jeunes opticiennes de son bureau perçoivent Marie Trudel. « Elle nous implique beaucoup dans tous les aspects de notre profession et en plus, nous avons la chance d’être complémentaires! Nous formons une véritable équipe », mentionnent-elles avec chaleur.

« Moi, j’ai voulu avoir mon propre bureau parce que j’éprouve beaucoup de plaisir à travailler dans la précision et la minutie. Que ce soit pour mes clients dans le Nord-du-Québec ou ceux de Québec, j’y mets toujours la même passion », exprime Marie Trudel qui se remémore toujours les conseils paternels. Un père qui serait aujourd’hui encore plus fier de constater combien sa fille Marie élève son niveau professionnel et stimule son équipe dans sa quête de l’ultime degré de perfection. Marie Trudel n’a d’ailleurs pas choisi son slogan par hasard: Tout se mesure, tout s’ajuste à la perfection!

L’autre usage des lunettes

Par Isabelle Boin-Serveau

On a pu croiser Paul Morlet dans les couloirs de Vision Expo à New York en mars dernier. Le jeune Français de 22 ans, qui n’a pas froid aux yeux, passe encore incognito. Jusqu’à quand? Car son appétit est immense et sa conquête des États-Unis commence par la présence dans la Grande Pomme d’une équipe qui aura la charge de produire en temps record des lunettes pas comme les autres : les Lulu Frenchie.

Tout a commencé à la fin de l’été 2010, alors que Paul Morlet tuait le temps en regardant une émission de poker à la télévision. Sa martingale? Les verres de lunettes des joueurs sur lesquelles son esprit s’est mis à flâner. Résultat de son remue-méninges solitaire: pourquoi ne pas créer un espace promotionnel car « la pub était partout sauf là! »?

Les dés étaient lancés

« En fait, je n’avais pas beaucoup de perspectives professionnelles à l’époque », avoue-t-il. Il joue donc le tout pour le tout et englouti « sur un coup de tête » son pécule de 3 000 euros pour commencer une phase de recherche afin de mettre au point la technique des lunettes promotionnelles. Il fallait y penser… et oser. Deux associés vont composer la main gagnante.

Débute ainsi une phase d’édification d’une petite entreprise qu’il qualifie de « galère » même si elle s’est avérée rentable en 5 mois. Il fallait mettre au point un procédé, applicable sur des verres transparents ou solaires. L’image est reproduite à l’aide d’un traceur qui imprime la pellicule percée de petits trous afin de ne pas gêner la vision. Voilà pour les ficelles, mais comment réaliser près d’un million d’euros de chiffres d’affaires en 2012 moins de deux ans après la création de la compagnie et écouler à l’exportation la moitié des 500 000 paires vendues?

Le buzz, carte maîtresse

Pour se faire connaître et créer le buzz médiatique indispensable au positionnement marketing, le jeune homme a fait jouer ses contacts bien placés auprès des stars mondiales avec notamment Lady Gaga, David Guetta, Black Eyed Peas, Snoop Dog, qui se sont prêtés au jeu : « Ils ont tout de suite embarqué et ont trouvé ça sympa. Du coup, nos lunettes ont bénéficié d’un côté “invasion” auprès des fans… Et pour nous, cela représentait un placement média à moindre frais! »

Avec les meilleurs tarifs, les plus grands choix, les meilleurs délais de livraison… Lulu Frenchie occupe 95 % du marché des lunettes promotionnelles. Quand il a commencé il y a deux ans, une trentaine de petites entreprises proposaient ce type de produit. Paul Morlet sait qu’il ne faut pas se laisser distancer et aujourd’hui, ils ne sont plus deux à œuvrer sur les mêmes plate bandes.

« On se regarde de loin », concède Paul Morlet en ce qui concerne ses relations avec le monde de l’optique français. Mais ce n’est pas pour cette raison que Lulu Frenchie fait venir ses montures de Chine : « Plus personne ne fabrique de montures par injection aujourd’hui… alors, je n’ai pas eu le choix d’autant plus que le moins cher que j’ai trouvé en France s’élèvait à 12 euros alors que mon prix de vente est de 2 euros hors taxes. En plus, les délais de fabrication made in China sont moins longs… »

Son succès procède de l’accès facile au produit (livraisons en 24 h, même pour New York) et de son bas prix (même pour un ou deux exemplaires). Monsieur et madame Tout-le-monde peuvent ainsi s’emparer d’un outil d’auto promotion abordable… et l’on sait qu’aujourd’hui, chacun tend à obtenir son moment de gloire.

Après avoir phagocyté le marché français, Paul Morlet lorgne non seulement le continent américain mais plus loin encore: « Sûrement l’Australie… et puis l’Afrique du Sud… je ne sais pas encore! » Est-ce que le concept des Lulu Frenchie survivra au temps qui passe? Paul Morlet ne le sait pas, mais déjà il concocte de nouveaux produits dans la même veine parce que la gloire peut être éphémère et que la concurrence peut se réveiller en force. « Quelque chose de pas très cher, personnalisable, amusant et facile à avoir »… et voilà une recette du succès à reproduire! Et puis, le jeune homme a, parallèlement à sa soif de réussir, de nobles objectifs : aider les jeunes décrocheurs scolaires et les prisonniers en réinsertion.

Yves, Annick et Danika Jacques : Ocularistes de père en filles

Par Isabelle Boin-Serveau
La petite salle d’attente coquette est déserte lorsque j’en franchis le seuil. Une jeune femme en sarrau blanc apparaît dans l’encadrement d’une porte qui s’ouvre au coin de la pièce. Elle m’invite à m’asseoir avec un large sourire : « Ça ne sera pas long! »

La radio diffuse une musique entraînante. La porte s’ouvre à nouveau. Un couple de baby boomers se dirige vers le portemanteau situé à côté de la chaise que j’occupe. Je ne peux m’empêcher de diriger un regard discret vers les deux visages. Il me faut un certain temps avant de repérer que c’est l’homme qui porte ce que l’on appelle communément « un œil de verre ». Le monsieur m’observe aussi. Je suis restée les yeux baissés jusqu’à ce qu’ils sortent, toujours silencieux, de la salle d’attente. Yves Jacques est alors arrivé pour m’inviter à le suivre dans son bureau.

Le cinquième O
Ophtalmologiste, optométriste, orthoptiste, opticien, chacun aura un jour ou l’autre à avoir un contact avec l’un ou l’autre de ces professionnels. Mais oculariste? Yves Jacques a été surpris que je prenne rendez-vous avec lui. Car qui s’intéresse à sa profession?

Bon, soyons honnête, on ne souhaite à personne d’avoir à faire avec un oculariste parce que cela signifierait qu’un organe vital, l’œil, fait défaut… Toutefois, soyons réaliste, les accidents, les maladies, les anomalies font partie de l’existence humaine et tous les jours, des ocularistes viennent pallier leur infirmité en posant des prothèses oculaires qu’ils fabriquent sur mesure. Cela suffit à forcer le respect et la considération.

Depuis 1957, l’American Society of Ocularists1 est le seul organisme à but non lucratif qui préside aux destinées de quelque 300 professionnels répartis à travers la planète. Hybride entre ordre et association, il cumule les mandats de formation, de reconnaissance et d’information pour le public et pour les médecins. Ils sont 35 ocularistes au Canada parmi lesquels 10 exercent au Québec. Au Canada, la Société canadienne des ocularistes2  regroupe certains ocularistes. En Europe, la Société des ocularistes francophones3 rassemble les ocularistes de France et de Belgique.

Un choix d’occasion
Yves Jacques travaille comme technicien dans l’industrie de l’optique lorsqu’il fait la connaissance de Tom Dean, un oculariste réputé de la région de Montréal qui est aussi propriétaire de bureaux en Ontario : « Pendant longtemps, il n’y a pas eu d’oculariste à Québec et Tom venait quelques jours par mois pour rencontrer la clientèle qui avait besoin de prothèses. Moi, j’ajustais des yeux artificiels préfabriqués et il m’a demandé si j’étais intéressé à travailler pour lui. »

En 1986, Yves Jacques s’investit à temps plein pour devenir oculariste et reçoit la formation, directement de Tom Dean. En effet, la profession ne bénéficie d’aucune école pour assurer la transmission du savoir-faire. L’apprentissage se déroule directement auprès d’un professionnel certifié et par le biais de la formation dispensée tout au long de l’année à l’occasion de congrès qui se tiennent aux États-Unis.

Le stage dure de cinq à sept années et la réussite à un examen, organisé par une agence indépendante, la National Examining Board of Ocularists4 (NEBO), permet d’obtenir une certification et ainsi un permis de travailler selon les normes en vigueur. L’examen cumule la pratique et la théorie. Le NEBCO a également mis en place une formation continue obligatoire. Les ocularistes sont tenus de la suivre afin de conserver leur certification.

Yves Jacques a été le premier oculariste à ouvrir un bureau permanent à Québec. Le mode d’affaires est basé sur les références des ophtalmologistes qui procèdent aux opérations. Le plus souvent, les patients subissent une énucléation oculaire qui consiste à exciser uniquement le globe tout en préservant les muscles oculaires et la paroi orbitale. Moins fréquente, l’éviscération oculaire vide le contenu du globe oculaire. Toutes ces opérations sont généralement les conséquences de malformation, de tumeurs ou de traumatismes.

Les étapes de fabrication d’un œil artificiel
À Québec, deux bureaux d’oculariste se partagent une clientèle qui provient de l’est du Québec. Yves Jacques indique qu’il procède à la fabrication d’une prothèse par jour. Chaque professionnel adopte ses produits pour obtenir le résultat qu’il souhaite atteindre. Pour reproduire la couleur de l’iris, certains vont choisir la peinture à l’huile, les crayons de couleur ou bien l’acrylique comme Yves Jacques.

Lorsque le patient se présente à son bureau, l’oculariste procède à l’empreinte de la cavité orbitale avec une forme en cire qui sera reproduite dans un moule en plâtre dans lequel une matière en plastique acrylique sera coulée et passée au four une vingtaine de minutes. Peu de choses ont changé depuis le début de sa pratique, admet Yves Jacques, si ce n’est le séchage des matières et la puissance des fours qui augmentent la vitesse de production d’une prothèse, à 20 minutes au lieu de deux heures.

On obtient ainsi une forme d’une couleur blanche immaculée sur laquelle l’oculariste reconstitue les veines et ajuste la couleur du globe oculaire : « Le blanc de l’œil n’est jamais blanc et dépend des individus. Nous utilisons du fil à coudre rouge pour recréer les veines. Ensuite, une nouvelle couche de plastique transparent sera appliquée sur cette surface qui sera polie en trois étapes. »

La durée de vie de la prothèse est de cinq à sept ans : « La prothèse peut “caler” dans la paroi et la couleur des yeux se modifie tout au long de la vie en pâlissant, tout comme le blanc de l’œil qui jaunit avec le temps. Il faut donc refaire régulièrement un nouvel œil artificiel. » L’oculariste recommande également un polissage annuel afin d’éliminer les dépôts de la surface et assurer un meilleur confort au patient.

Mais le plus grand défi (bien artistique celui-là!) de l’oculariste est la recherche de la concordance des couleurs de l’iris: « On place notre client sous trois lumières différentes pour trouver la teinte originale. À partir de ces essais, on fait une moyenne… On fait aussi la même chose pour établir la grosseur de la pupille. » Les couleurs proviennent d’un mélange de pigments et d’acrylique avec lesquels « l’artiste », à main levée, prête vie aux yeux artificiels…

Y aurait-il des secrets de fabrication que Yves Jacques conserve jalousement? Il réfute l’hypothèse : « Le secret pour réussir une prothèse, c’est de se mettre à la place du client. Si à la fin de la journée, je regarde le patient en estimant que je serais content d’avoir un œil comme ça, alors là, je sais que j’ai atteint mon objectif! Sinon, je recommence… »

Établir des relations de confiance
Les activités manuelles de l’oculariste se conjuguent avec un aspect plus sensible : la relation avec le patient. Annick, la fille aînée d’Yves Jacques, reconnaît que la facette psychologique est cruciale dans la réussite d’une prothèse : « Il faut rassurer le client et dédramatiser la situation. Avec les enfants, le défi est parfois plus difficile. L’enfant pleure parfois et ne veut pas qu’on le touche… Il ressent la nervosité de ses parents. » C’est ainsi que l’on comprend toute la complexité de la tâche et de l’impérative qualité du dialogue qui doit être instaurée.

Les deux filles d’Yves Jacques (sur ses quatre!) partagent le même enthousiasme que leur père pour cette profession. Annick, la plus âgée, vient de terminer sa quatrième année de stage : « C’est sûr que peu de gens connaissent notre métier et qu’ils sont toujours étonnés lorsque j’explique ce que je fais! » Avant de faire le saut, Annick a étudié en design d’intérieur et en enseignement des arts plastiques jusqu’à ce que son père, qui avait besoin de renfort pour répondre à sa clientèle, lui propose de venir le rejoindre. « J’ai dit pourquoi pas! » ajoute celle qui a trouvé l’expérience très concluante. Outre l’enseignement paternel, elle a déjà bénéficié de celui dispensé lors des congrès annuels : « Suivre les ateliers de formation, c’est aussi découvrir d’autres façons de faire… »

La benjamine, Danika, qui en est à sa première année d’apprentissage, a suivi la voie tracée par sa sœur. Après avoir obtenu un DEC en sciences de la nature, la jeune fille a eu l’intention de se diriger vers une carrière dans le secteur de la santé. Avant de commencer sa session, Danika a cependant succombé aux appels de son père : « J’ai tout de suite adoré! Cette profession combine tant de choses : le paramédical, le social, l’artistique et la psychologue. » Exit les études universitaires! Danika fait désormais partie d’un trio tricoté serré.

Yves Jacques ne le dit pas mais on sent bien la fierté qu’il éprouve à transmettre à ses filles son savoir-faire. Interrogé sur le potentiel de ses apprenties, le père n’hésite pas : « Elles sont bonnes et elles seront meilleures que moi! » Il remarque avec plaisir que ses clients aiment que ce soit ses filles qui prennent le relais. L’harmonie est parfaite au sein du trio : « Lorsque l’on a quelque chose à se dire, on n’hésite pas. Il n’y a pas de confrontation », témoigne Annick.

Dans quelques années, Yves Jacques pourra ajouter un s à ocularistes sur sa carte d’affaires. Il n’envisage pourtant pas de retraite à court terme… juste diminuer sa présence au bureau et laisser tout simplement les rênes de son entreprise à la relève familiale.


1 http://www.ocularist.org
2 http://www.cso-sco.ca
3 http://www.ocularistes.org
4 http://www.neboboard.org/

Dre Dominique Meyer: Une vision d’exception

Par Isabelle Boin-Serveau

entrevueDepuis 14 ans, Martine Barbeau occupe le poste de directrice générale de l’Institut privé de chirurgie et œuvre aux côtés de Dominique Meyer. « Visionnaire et charismatique » sont les termes qu’elle a spontanément trouvés pour décrire la fondatrice d’une entreprise florissante qui a pignon sur la Grande Allée de Québec. En l’interrogeant davantage, il est apparu très clairement que même les exigences de la « dame exceptionnelle » étaient tempérées par de belles qualités humaines.

Aux prédispositions supérieures répond le plus souvent un destin remarquable. Celui de Dominique Meyer commence à Baie-Comeau, lieu de travail où son père ingénieur ne restera que deux années avant d’installer sa famille, composée d’une deuxième petite fille, dans la ville de Québec.

Source d’inspiration

Le couple, formé par ses grands-parents paternels, aura chromosomiquement marqué sa vocation. Un couple qui n’avait rien d’ordinaire. Imaginons plutôt un chirurgien d’origine alsacienne qui, dans les tranchées ou sur les champs de bataille, au plus fort des combats, s’implique sans relâche pour sauver les soldats français au cours des deux dernières guerres mondiales… Visualisons encore une sage-femme dans les hôpitaux parisiens durant la Seconde Guerre mondiale réveillant son mari en pleine nuit pour une césarienne…

« C’étaient des personnes entièrement dévouées à la médecine… Ils ont travaillé en étroite collaboration pendant des années, mais c’est surtout ma grand-mère qui représente la personne la plus significative de mon existence… », raconte Dominique Meyer. Le couple quittera finalement la France pour s’établir à Washington. Leur fils étudiera cependant à Montréal « pour ne pas perdre son français ». Il choisira l’Université Laval pour suivre ses études en génie et c’est à Québec qu’il rencontrera sa future épouse.

Le goût de se surpasser

« C’est fondamental. Ce qui détermine ce que tu deviens, c’est le goût de se surpasser », croit Dominique Meyer qui a commencé très tôt à illustrer cette certitude en érigeant une carrière à la hauteur de ses aspirations.

L’ophtalmologiste albertain Howard Gimbel aura une forte influence sur la jeune étudiante en médecine : « Il a été le grand manitou de la pratique privée au Canada… et je me disais qu’un jour, je serai comme Gimbel! » Outre ses innovations en chirurgie ophtalmologique, il deviendra, en 1984, le premier Canadien à fonder un centre privé de santé de l’œil : le Gimbel Eye Centre à Calgary. Sa grand-mère et Howard Gimbel, se révèlent ainsi les deux modèles qui guideront le destin professionnel de Dominique Meyer : « En fait, je m’aperçois combien rétrospectivement nos décisions épousent notre idéal… »

Mais pourquoi la chirurgie? « Parce que c’est une profession gratifiante dont on peut apprécier le résultat immédiat. De plus, cela me nourrit de savoir que mes patients apprécient ce que je fais pour eux… c’est un carburant nécessaire qui me permet d’avancer. Et puis, j’ai toujours été fascinée par la chirurgie au microscope… », dévoile Dominique Meyer qui se souvient que durant ses études de médecine l’ophtalmologie lui trottait déjà dans la tête.

Du public au privé

Au début des années 1990, Dominique Meyer et Christian Deschênes, tous deux fraîchement diplômés en ophtalmologie prennent la route de l’hôpital de Chicoutimi : « Un super hôpital qui nous offrait l’opportunité de travailler ensemble et d’implanter les nouvelles techniques dans le domaine… Nous nous sommes occupés à tour de rôle de la chefferie du département d’ophtalmologie et plus tard, j’ai pris le contrôle de toutes les chirurgies. J’avais 30 ans, des idéaux et je voulais mettre l’hôpital de Chicoutimi sur la carte! » Finalement, Dominique Meyer fait bouger « la cabane » des chirurgiens et lutte pour obtenir davantage de temps opératoire…

La situation ne s’améliorera pas dans le système de santé public et le temps consacré aux chirurgies se met à ressembler à une peau de chagrin. Pour assouvir sa passion, Dominique Meyer décide, avec un collègue oto-rhino-laryngologiste, d’ouvrir une clinique de chirurgie esthétique. Le laser CO2 venait de sortir, promettant monts et merveilles : «Grâce à la réalisation de ce projet, j’ai pu avoir tout le temps opératoire que je souhaitais! »

La réputation de sa clinique dépasse bientôt la région de Chicoutimi. Un collègue, Ghyslain Boudreault, qui aura vent de son expertise en blépharoplastie, l’exhorte à venir faire quelques opérations dans sa clinique de Québec. Dominique Meyer accepte, mais les allers et retours qui l’éloignent de son jeune enfant finiront par la lasser. Ghyslain Boudreault l’incite à le rejoindre de façon permanente et à quitter définitivement le système de santé public. « La pomme était mûre », lance-t-elle. La chirurgienne, deuxième version, se lance avec passion dans l’aventure de l’entrepreneuriat.

La liberté d’entreprendre

Son désengagement du système public ne se passera pas sans remous. « Certains collègues ne m’adressaient plus la parole… On me snobait dans les congrès… Certains se réjouissaient à l’avance de me voir tomber… », se remémore Dominique Meyer qui reconnaît avoir été affectée par ces rejets même si elle a toujours été persuadée d’avoir pris la meilleure décision.

« Ma façon de faire des affaires a toujours été très instinctive, mais j’ai aussi découvert que j’avais des qualités d’organisation et une très grande confiance en mes moyens. Et puis, je suis une passionnée dont l’objectif est d’apporter une dimension très humaine à la médecine », s’exclame-t-elle avec chaleur.

Et dans son Institut de chirurgie privé, «le patient paie pour une qualité totale avec en prime le tender loving care qui va avec…» De la prestation aux produits, tout doit correspondre aux normes les plus élevées, sans aucun compromis.

Outre le nombre croissant de patients, Dominique Meyer a développé une vision à  la fois intuitive et rationnelle de son entreprise : « J’ai d’abord concentré ma pratique sur les chirurgies de la cataracte et sur les chirurgies des paupières. Et puis, il s’est avéré que pour répondre à plusieurs besoins exprimés par la clientèle, il fallait diversifier l’offre de services. » C’est ainsi que plusieurs disciplines médicales se côtoient à l’Institut qui compte désormais une dizaine de médecins et une vingtaine d’employés. Andropause, ménopause, médecine familiale, hypertension, orthopédie figurent parmi les soins médicaux proposés aux côtés d’une kyrielle de soins en esthétique.

Dans le courant de l’année 2013, Dominique Meyer va devoir agrandir son local pour ajouter d’autres cordes à son arc avec des services oncologiques adaptés sur mesure aux malades ou aux convalescents. Un nouveau projet qui l’enthousiasme au plus haut point. Parce que chirurgienne ou femme d’affaires, Dominique Meyer n’a pas fini d’assouvir son impérieux besoin de dépassement et d’excellence. Et c’est bien tant mieux pour les patients…

Raymond et Côté, opticiens: 20 ans loin des sentiers battus

Raymond et Côté, opticiens
20 ans loin des sentiers battus
Par Isabelle Boin-Serveau

La quarantaine épanouie et les yeux brillants de réussite, le couple d’entrepreneurs très inspirants que constituent Nathalie Raymond et Jean-Pierre Côté n’a rien d’ordinaire. Ni leur vision de la profession, ni la façon dont ils ont bâti ex nihilo un modèle d’affaires…

Car ils s’avèrent de vrais bâtisseurs, créateurs et forcément innovateurs qui, par le jeu subtil d’essais et d’erreurs, ont réussi à fusionner pratique humaniste et rentabilité. Le couple fête ses 20 ans en affaires et, du coup, réalise l’ampleur d’un chemin parcouru… et de celui que l’avenir dessine encore!

La croix des chemins

Nathalie a grandi dans une famille d’entrepreneurs lavallois qui favorise l’estime de soi et la confiance en soi. Un héritage culturel qui lui sert tout au long de son expérience professionnelle. « À l’âge de 20 ans, je n’ai jamais pensé à autre chose qu’à l’opportunité de me lancer en affaires un jour et de devenir  entrepreneure. De  toutes façons, chez moi, c’est LA façon de faire », explique-t-elle avec assurance.

Originaire de Beloeil, Jean-Pierre Côté a vécu aux côtés d’un père représentant qui se déplaçait dans les entreprises pour proposer des produits. « Dans son bureau du sous-sol, il passait beaucoup de temps à prendre des rendez-vous et à faire ses publipostages », dit-il en précisant que son objectif professionnel n’était pas de reproduire ce modèle, mais de relever des défis lui aussi.

À l’heure des choix, après leurs études au cégep en sciences, les deux jeunes adultes doivent essuyer des échecs. Nathalie sera refusée en médecine et Jean-Pierre en optométrie. Mais, déjà taillés pour ne pas faiblir devant les obstacles, ils réorientent leur carrière. Et pour accentuer encore la similitude de leur parcours, leurs parents respectifs les ont guidés vers la profession d’opticien.

« Après une année d’université en biologie, je ne me voyais pas passer ma vie dans un laboratoire sans avoir de contact avec la clientèle. Ma mère m’a conseillée d’aller voir son opticien… », indique Nathalie qui n’a finalement pas rencontré ce professionnel mais plutôt une jeune opticienne fraîchement diplômée, Lise Bédard, qui lui a parlé avec beaucoup d’enthousiasme de son métier.

« Il est normal que nous subissions l’influence de nos parents… Je suis allé rencontrer leur opticien à St-Bruno. J’ai trouvé cet environnement propre, les lunettes étaient belles et il y avait là la possibilité d’échanger avec les gens », décrit Jean-Pierre en insistant sur les caractéristiques de relations humaines, techniques et esthétiques qui ont été décisives dans son choix.

La rencontre à Édouard-Montpetit

C’est donc à Longueuil, à la fin des années 1980, que Nathalie Raymond et Jean-Pierre Côté se rencontrent dans la classe de technique en orthèses visuelles. Tous deux n’ont aucune difficulté à réussir l’apprentissage de la matière. Ils vont se découvrir des points communs et décider de se marier.

Durant ces années-là, Nathalie appréciait particulièrement les stages en entreprise. Elle se souvient plus particulièrement de Mario Bourgault : « Il a été un mentor pour moi. Il avait une réelle vision des affaires. Et nous avions des discussions très enrichissantes. Il m’a  beaucoup appris sur la vente et la qualité du service à la clientèle. »

Jean-Pierre n’a pas trouvé que le programme était très exigeant en termes académiques : « Je craignais d’être diplômé dans quelque chose qui ne m’amènerait pas à me dépasser. » Après avoir travaillé pendant près d’un an dans un bureau d’optique où il apprit beaucoup sur le plan technique, il réalisa qu’il avait besoin de challenge et qu’il devait partir.

« On avait en tête de concrétiser quelque chose ensemble. Jean-Pierre a postué pour être représentant en lentilles cornéennes, mais il n’a pas été retenu. Qu’à cela ne tienne! On s’est dit que quelque chose de mieux allait arriver… », raconte Nathalie qui, elle aussi laissera son emploi pour se lancer dans une affaire qui prenait l’aspect d’une aventure. De fait, c’est son père qui leur suggère de regarder vers un service adapté à une clientèle qui a tout particulièrement besoin de soins visuels : les personnes âgées. Au début des années 1990, le jeune couple visite plusieurs résidences : l’accueil des directions est enthousiaste. Les deux opticiens s’engagent « de façon naïve » dans cette voie.

La création d’un modèle d’affaires

« Notre affaire était réfléchie, mais, en plus, nous avions la foi! », exprime Nathalie qui ne pouvait pas ne pas entendre les commentaires de certains confrères tels que « Vous allez faire du porte à porte pour vendre des lunettes? »

Pour se replacer dans le contexte de 1992, il faut comprendre qu’il y avait peu de résidences pour personnes âgées, que l’on ne se préoccupait pas beaucoup du vieillissement de la population et que la tendance, dans les bureaux d’optique, consistait plutôt à s’intéresser à une clientèle de trentenaires ou de jeunes presbytes.

C’est pourquoi, se préoccuper d’une clientèle du troisième âge ne paraissait  pas une voie royale pour réussir en affaires! Jean-Pierre le concède, malgré leur foi, « nous ne savions pas encore que nous allions connaître autant de succès! Nous n’avions pas de plan d’affaires, mais du cœur au ventre. Nous sentions que cela fonctionnerait malgré des moments de découragement. »

Bien sûr, lorsque l’on ne marche pas sur une route déjà tracée, le travail de création requiert une volonté tenace et des qualités de bâtisseurs. Les deux opticiens sont galvanisés par l’ampleur du défi : « Nous ne sommes pas parfaits, mais nous sommes excellents et très perfectionnistes. Dès que nous avions une critique, nous corrigions le problème immédiatement. Pour trouver une formule adaptée à ce type de service, nous avons utilisé la stratégie des essais… avons eu plus souvent de bons coups que des mauvais… Et nous avons très vite compris que nous avions un trésor entre les mains! »

Au commencement, tout reposait sur leurs deux épaules : la gestion des problèmes, le développement, la représentation, et les services d’optométristes. « On a commencé dans un sous-sol avec trois colocataires », se souvient Nathalie qui mesure le chemin parcouru en 20 ans. « Au fil du temps, Raymond et Côté est réellement devenu une entreprise à part entière », ajoute Jean-Pierre.

Depuis 13 ans, les deux opticiens ont engagé du personnel de façon graduelle. Pour desservir la clientèle des 120 établissements (visités tous les trois à six mois) de la métropole et de ses environs, ils peuvent compter sur trois autres opticiens, trois optométristes réguliers, deux optométristes de remplacement, une coordonnatrice à temps plein sur la route et deux employées de bureau. « L’administration de notre modèle est très onéreuse parce que les ententes de services exigent beaucoup de paperasse et que les gestions de déplacements demandent du personnel très compétent. »

Les valeurs d’entreprise

« Nos plus gros découragements auront été engendrés par le recrutement de personnel… », relate Nathalie. Tout d’abord parce que les optométristes ne comprenaient pas, a priori, que la clinique mobile possédait  les équipements ad hoc pour proposer des examens de la vue complet. Et ensuite, parce que toutes les personnalités ne sont pas adaptées pour servir les personnes âgées. «Il faut vraiment les aimer et avoir un petit profil missionnaire. Mais travailler avec son cœur c’est très enrichissant et valorisant! » souligne l’opticienne qui ajoute que Raymond et Côté ne pourrait travailler avec des gens qui ne partagent pas les mêmes valeurs.

Rien d’innovateur et de précieux ne peut se construire sans une base entrepreneuriale à partager. Dans le cas de Nathalie et Jean-Pierre, les gens qui évoluent dans leur entreprise ont, avant tout, le souci du service et une facilité à s’intégrer dans un emploi qui s’éloigne de la routine. Ils sont d’ailleurs tellement fiers de pouvoir aujourd’hui compter sur une équipe hors pair : « Elle s’est enrichie dernièrement de deux nouveaux opticiens de qualité qui ont de belles expériences. Et nos collaborateurs sont vraiment les meilleurs! »

Ceux qui ont bâti ce modèle d’affaires avec un instinct avisé et lucide ont aussi fondé une famille composée de trois jeunes adolescents élevés au sein de l’entreprise même. En effet, c’est dans le sous-sol de leur domicile de Blainville que les bureaux de Raymond et Côté sont situés. Un sous-sol qui n’a rien à voir avec celui d’un travailleur autonome ordinaire et qui laisse deviner tout le succès de leur entreprise.

Idéalistes, créateurs, innovateurs, véritables entrepreneurs, les deux opticiens ont encore de nombreux défis à relever. La pérennité de l’entreprise. Son expansion éventuelle. Bref, des situations où ils n’auront aucun mal à oser de nouveau…

Caroline Sardi et Nathalie Nicopoulos, Yes, they care!

Caroline Sardi et Nathalie Nicopoulos, Yes, they care!
Par Isabelle Boin-Serveau

A priori, au-dessus des berceaux de l’opticienne Caroline Sardi et de l’optométriste Nathalie Nicopoulos, les fées de l’optique se sont arrangées pour unir leur destin. Les deux cousines sont issues d’un tel bassin de talent dans le domaine que l’on a du mal à envisager qu’elles aient pu s’épanouir ailleurs. Pourtant, le chemin qui les a conduites à s’associer pour bâtir leur bureau Oh! Lunettes n’a pas longé la voie naturelle de l’héritage.

Le clan Laoun

Ni l’une, ni l’autre ne portent le nom de Laoun et pourtant, sur leur arbre généalogique figure le patronyme de ce clan d’opticiens bien implanté en Égypte qui, dans les années 1960, a choisi de quitter Alexandrie pour Montréal. Une autre famille parmi beaucoup d’autres qui a tourné le dos au régime de Nasser. Henri optera pour le territoire helvétique alors que Théo, Georges, Henriette et Hélène décident de traverser l’Atlantique. Cette fratrie-là a engendré des individus talentueux qui œuvrent pour la plupart en optique, formant ainsi une véritable lignée d’excellence au Québec.

C’est dans ce vivier exceptionnel que Caroline et Nathalie ont vu le jour, il y a quarante ans. Elles sont cousines germaines issues de la branche d’Henriette Laoun mariée à Nicopoulos, un Égyptien d’origine grecque. Jenny, la mère de Caroline, a uni son destin à Samir Sardi, opticien à Laval, venu lui aussi de la terre des pharaons. Son frère, Peter Laoun-Nicopoulos, père de Nathalie, est malheureusement décédé à l’automne 2011. Il était un opticien réputé et très apprécié qui avait pignon sur rue à Montréal depuis plus de 40 ans.

Passionnés, travailleurs acharnés, habiles commerçants, les Laoun laissent partout et toujours la trace d’un service à la clientèle irréprochable. Ils ont bâti, chacun dans leur secteur et à leur manière, une telle réputation que leur nom résonne très favorablement aux oreilles de nombreux consommateurs du Québec… et même d’ailleurs! Mais, au commencement de cette lignée, Georges, Théo et Peter Laoun-Nicopoulos (le fils d’Henriette) se sont associés à leur arrivée en sol québécois pour ouvrir ensemble un premier bureau sur la rue Jean-Talon, près du marché public, dans l’est de la ville de Montréal. Celui-là même où Peter a exercé sa profession jusqu’à son dernier souffle.

On n’échappe pas à son destin

Caroline l’avoue sans ambages, « je ne suis pas une femme de carrière. Moi, tout ce que je souhaitais lorsque j’étais jeune, c’était de voyager avec mon mari et d’avoir des enfants! ». Nathalie sourit, elle qui, au contraire, ne voyait rien d’autre que le travail en optique : « Depuis l’âge de 6 ans, j’ai grandi dans le bureau d’optique de mon père et au fil des années, j’ai occupé tous les postes… de la tenue des dossiers au choix des montures! » Même si Nathalie a pu caresser d’autres rêves, l’entrée à l’École d’optométrie de Montréal était une affaire entendue : « J’ai toujours été pragmatique. Oui, j’ai un côté artistique, je joue du piano, mais je n’aurais pas osé m’aventurer dans une carrière aussi incertaine. » Et puis, Peter Laoun-Nicopoulos a tellement démontré de fierté de voir une de ses filles se diriger dans l’optique. « Mais c’est ce que je voulais faire! », renchérit Nathalie.

Caroline, quant à elle, passe également beaucoup de temps dans le bureau de son oncle et dans celui de son père, Samir Sardi. Cependant, à l’âge des choix, elle se tourne vers la géographie qu’elle étudie à l’Université de Montréal. C’était sans compter sur un « destin qui est venu me chercher », puisqu’un jour son père la sollicite pour remplacer une assistante. Le temps inoculera la piqûre de l’optique à Caroline qui succombera à 25 ans en s’inscrivant au collège Édouard-Montpetit pour suivre la formation d’opticienne.

Pendant des années, Caroline et Nathalie travaillent dans les bureaux paternels. À chacune de leur rencontre, les deux cousines échangent sur leur profession et sur leur façon d’envisager leur travail. « Il était clair que nous partagions beaucoup de  points communs et l’on se disait que ce serait le fun de travailler ensemble, un jour », raconte Nathalie. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et il faudra attendre 2007 pour que leur souhait devienne une réalité. Par le biais de son oncle (de la branche paternelle), Caroline est informée qu’un local va se libérer sur le boulevard Marcel-Laurin à St-Laurent. Fini le temps des tergiversations : le cousines comprennent que le moment est venu de se lancer.

L’heure de tous les défis

Les pères de Caroline et Nathalie appartiennent à la génération dont le credo « my way or no way » prévaut. Immanquablement, les deux jeunes femmes ont respectivement vécu des tiraillements générationnels doublés d’un rapport d’autorité père-fille : « Cela n’enlève rien à leur qualité, mais nos pères ne nous voyaient pas comme des collègues de travail mais comme leurs filles… On avait envie de travailler à notre façon d’autant plus que nous avions la même approche de la pratique. On a quand même eu du mal à leur dire que nous allions ouvrir ce bureau! »

Avec Oh! Lunettes, Caroline et Nathalie se sont réellement émancipées  en privant cependant leurs pères de leur rôle de protecteurs-pourvoyeurs : « Ils étaient contents et fiers de nous, mais ils étaient aussi déçus de se sentir abandonnés… Ce qui ne les a pas empêchés de nous aider beaucoup au début pour ouvrir les comptes, avoir des contacts avec le milieu et pour bénéficier de leurs conseils, etc. » En fait, elles constatent que leur saut vers l’émancipation les a même rapprochées de leurs pères.

Sentiment d’accomplissement

À l’instar de leurs géniteurs, commerçants dans l’âme, Caroline et Nathalie assument l’entière gestion de leur bureau, de la comptabilité à la gestion des ressources humaines. Caroline a pris en charge l’administration alors que, depuis le décès de son père, Nathalie partage son temps avec le bureau familial de la rue Jean-Talon.

Après les cinq premières années très satisfaisantes, Caroline et Nathalie constatent combien leur approche était semblable. Le contact privilégié qu’elles réussissent à établir avec leur client va bien au-delà d’une simple relation commerciale. Des liens d’amitié se créent… « Dernièrement, un de mes clients a passé 20 minutes à me parler de son père décédé… ce n’était pas lourd pour moi et cela m’a fait plaisir de l’écouter », raconte Caroline. Avec son incroyable expérience malgré son jeune âge, Nathalie ne se contente pas d’être une bonne clinicienne : « Je comprends les préoccupations du client par rapport à sa monture. Je connais tous les éléments qui vont lui permettre de se sentir plus confortable. Et puis j’aime entourer mon client… je vais même jusqu’à lui conseiller un type de monture! »

Pour se différencier de la concurrence, les cousines savent mettre à profit leur empathie naturelle en démontrant à leurs clients toute l’appréciation qu’elles éprouvent. « Oui, nous sommes intéressées par eux, et par la possibilité de trouver une solution à leur problème visuel. Pourquoi en avons-nous qui viennent d’Ottawa? Parce qu’ils ont envie de nous parler, de nous donner des nouvelles, et parce que c’est une expérience humaine, amicale, chaleureuse et familiale qu’ils viennent chercher ici. Et puis, les gens aiment aussi nous encourager », s’enthousiasment-elles de concert.

Oh! Lunettes concrétise leur besoin d’indépendance, mais aussi représente un bébé d’affaires sur lequel elles veillent jalousement. La prochaine étape? Réussir à constituer une solide équipe qui partagera leurs valeurs professionnelles et humaines : « Yes, we care! » Et qui pourrait ne pas être séduit par tant de dynamisme et d’humanité?

Alain Côté, le miroir des valeurs d’Opto-Réseau

Alain Côté, le miroir des valeurs d’Opto-Réseau
ParIsabelle Boin-Serveau

Quatre années de mandat à la tête d’Opto-Réseau n’ont pas éteint la flamme qui anime l’optométriste Alain Côté. C’est à Lennoxville, arrondissement anglophone de Sherbrooke, que le président nous reçoit dans sa clinique d’optométrie située sur la coquette rue Queen. Sincère et chaleureux, Alain Côté n’affiche pas le profil hautain propre aux egos surdimensionnés. Il illustre l’image même projetée par son groupe : l’équilibre parfait entre professionnalisme, intégrité et réussite.

C’est à Lennoxville qu’Alain Côté voit le jour dans une famille où l’entrepreneuriat et l’enseignement se côtoient en harmonie. Il sera d’ailleurs longtemps tenté par une profession d’enseignant en biologie afin de concrétiser son attraction pour les sciences.

Au moment de son passage à l’Université Bishop, Alain Côté doit redoubler d’efforts pour intégrer la matière dans une autre langue que le français : « Ce détour à Bishop m’aura conduit à un autre niveau de performance tout en me permettant de maîtriser l’anglais. » Pourtant, alors qu’il suit des cours de biologie à l’Université de Sherbrooke, il prend conscience que c’est la biologie humaine qui l’intéresse vraiment : « J’ai sorti un test d’orientation que j’avais fait au cégep et mon profil apparaissait très clairement comme optométriste, dentiste, pharmacien… » Suivant les résultats de cette évaluation, il décide de s’inscrire à l’École d’optométrie de Montréal : « Je ne connaissais pas du tout le domaine, et aujourd’hui je peux affirmer que c’était un excellent test! L’optométrie combine santé, social et entrepreneuriat et répond parfaitement à mon épanouissement professionnel en partageant de belles valeurs. »

Les affaires en groupe

En 1986, Alain Côté termine ses quatre années d’optométrie et hésite entre une pratique dans un bureau de Sherbrooke ou dans celui de Gaspésie. À cette époque, le marché de l’optique est en train de se modifier avec l’arrivée de chaînes qui offrent aux jeunes optométristes des conditions financières très intéressantes par rapport à celles en vigueur dans les bureaux indépendants : « Le bureau de Gaspésie était très intéressant financièrement et surtout j’avais l’option d’acheter le bureau après un an ou deux… » Alain Côté et sa compagne déménagent et découvrent l’agrément de vivre dans un environnement humain exceptionnel. Cependant, les circonstances font qu’au terme de la première année, l’achat du bureau ne constitue plus une option. Le couple quitte donc Chandler pour retourner en Estrie.

Là, Alain Côté joint un groupe fondé par Jean Blanchard qui comprend quatre bureaux (les Cliniques optométriques de Sherbrooke) dirigés par sept optométristes : « C’était une belle pratique. Notre bureau était toujours à l’avant-garde et, en 1989, notre groupe a décidé de rejoindre la bannière Opto Plus. » En 1995, le groupe décide d’ouvrir un cinquième bureau à Lennoxville dont s’occupera Alain Côté. Un beau défi qui consiste à démarrer une affaire de zéro : «C’est cela aussi l’effet d’un groupe. On peut se permettre qu’un bureau fonctionne moins bien. Une personne solo n’aurait pas eu les moyens de subvenir à ses besoins dans les mêmes circonstances. » Néanmoins, son groupe se sépare en 1996 pour fonder sa propre bannière qui prendra le nom d’Opto-Réseau : « Nous avions l’impression que nous ne contrôlions plus nos affaires comme nous le voulions. » En fait, la moitié des membres d’Opto Plus ont préféré rejoindre la nouvelle bannière.

Les forces d’un réseau

Fort de ses 25 ans d’expérience, Alain Côté n’hésite pas à dire que les bureaux « qui faisaient de l’argent, il y a 20 ans en s’occupant moyennement bien de leurs affaires ne seraient plus viables aujourd’hui ». Dans le contexte actuel, Alain Côté remarque que la grande concurrence et les exigences des patients font que la pratique demande non seulement d’être un bon clinicien, mais aussi qu’elle bénéficie de compétences en gestion d’affaires, en ressources humaines, en gestion d’achats, en développement demarketing, etc. Bref, autant de chapeaux qu’une seule tête aurait bien du mal à coiffer : « C’est pourquoi, chez Opto-Réseau, on croit que l’on peut être un excellent clinicien et aussi un excellent entrepreneur à la condition de miser sur l’appui d’un groupe comme le nôtre qui favorise encore la pratique indépendante de l’optométrie. »

Alain Côté indique que, personnellement, sa fibre entrepreneuriale est comblée par son exercice au sein d’un groupe. En effet, l’expérience combinée des différents individus qui composent le groupe insuffle une réelle puissance à l’organisation : « Au commencement, chacun avait des forces dans des champs d’exercice différents et c’est ainsi que nous avons pu bâtir un réseau efficace. »

Une philosophie qui séduit

Depuis la fondation d’Opto-Réseau, Alain Côté s’est beaucoup investi, d’abord au conseil d’administration, en tant que trésorier et secrétaire, avant de poser sa candidature à la présidence en 2009. « Je connaissais bien l’entreprise et j’ai pu apprécier les talents de la merveilleuse équipe dirigée parChristine Breton. C’est pourquoi, je me suis présenté. En fait, je crois que je suis très représentatif de nos membres. Ils savent que je suis intègre et qu’ils peuvent avoir confiance en moi. Je me suis aussi présenté parce que je voulais qu’Opto-Réseau s’implique davantage pour redonner à la communauté en soutenant les actions de la Fondation des maladies de l’œil. » Le groupe s’implique également avec l’École d’optométrie en contribuant aux rénovations des bâtiments.

Sous la présidence d’Alain Côté, Opto-Réseau a doublé le nombre de ses membres. Uniquement depuis le début de l’année 2012, neuf nouveaux membres ont rejoint un regroupement qui comprend aujourd’hui 80 points de vente parmi lesquels 53 s’affichent sous la bannière. Une croissance qui prouve que de nombreux professionnels de la vue sont conscients des avantages que procure une structure efficace qui reste fidèle à une philosophie basée sur la pratique professionnelle, la qualité des soins, les explications, l’instrumentation et les offres concurrentielles. Le groupe a d’ailleurs acquis une réelle maturité, une visibilité, une reconnaissance, et une belle notoriété que viennent renforcer ses récentes campagnes à la télévision, dans le magazine Coup de pouce et sur sa page Facebook.

Alain Côté, qui brigue un cinquième mandat, confie « qu’il n’y a pas, à ma connaissance, de membres malheureux! » Et lui non plus d’ailleurs, qui avoue que son rôle de président lui a permis d’atteindre un accomplissement personnel en ouvrant de nouveaux horizons de connaissances et de rencontres humaines. « Et puis, l’équipe deChristine Bretons’occupe parfaitement de toute la gestion de notre groupe », ajoute celui qui ne se voyait surtout pas lâcher sa pratique de clinicien.

Marchand, optométristes de pères en fils

Par Isabelle Boin-Serveau

La lignée Marchand s’étale sur deux siècles de présence experte en optique. De l’ancêtre Jean-Raymond jusqu’à la relève du petit-fils Frédéric, il y aura eu l’expansion de l’héritage entrepreneurial menée de la main du fils René. Trois générations d’hommes inspirés par l’ambition de soigner et de réussir. Preuve que lorsque les aspirations économiques s’accordent aux idéaux, les entreprises familiales se conservent et progressent.

C’est dans un Montréal du début du XXe siècle, considéré comme LE centre économique du Dominion canadien, que l’on retrace la famille Marchand. Le père de Jean-Raymond Marchand y pratique l’art de la fourrure. Son fils ne se tournera pourtant pas vers cette activité, car le hasard a placé sur son chemin un beau-frère, étudiant en optométrie à l’Université de Montréal. Ce dernier sera convaincant puisque J.-Raymond Marchand fera partie, en 1925, des premières cohortes d’« opticiens-optométristes » au Québec.

Fondation à Québec
J.-Raymond Marchand ne restera pas dans la métropole et s’installera à Québec d’où est originaire sa future épouse, une Rochette, fille d’épiciers et de propriétaires agricoles dans le Ste-Foy très rural d’alors. Mais c’est sur la « Broadway de Québec », bordée de boutiques aux vitrines illuminées (rue Saint-Joseph dans le quartier St-Roch), qu’il ouvrira sa première boutique en 1926. Les affaires vont très bien et l’optométriste noue des contacts fructueux avec les gens d’affaires de la ville. Il figurera parmi la cinquantaine d’audacieux commerçants à ouvrir, en 1961, un bureau à l’intérieur du premier centre commercial couvert construit au Québec, Place Laurier. Son petit-fils Frédéric mesure aujourd’hui non sans fierté la témérité dont a dû faire preuve son aïeul : « Il a osé s’installer dans un centre commercial qui était un concept inédit à l’époque mais dont il pressentait tout le potentiel. » Le centre commercial, aujourd’hui haut lieu de magasinage, était érigé sur un espace laissé vacant par l’aérodrome relocalisé à L’Ancienne-Lorette. C’était aussi pour lui une façon de se rapprocher de Ste-Foy où il vivait en compagnie de sa famille composée de huit enfants.

Le sixième de cette fratrie, René, sera le seul à suivre la voie tracée par J.-Raymond Marchand. « Après mon cours classique, je me suis dirigé naturellement vers les sciences de la santé qui m’intéressaient particulièrement. Plusieurs membres de notre famille étaient médecins et je trouvais que la profession d’optométriste était propice à une belle vie sociale et familiale », avoue le deuxième optométriste de la lignée qui a aussi hérité de la fibre entrepreneuriale. René Marchand obtient son diplôme en 1970, l’année même où son père, âgé dans la soixantaine, décède soudainement.

L’expansion : œuvre de René
René Marchand, qui prévoyait s’installer sur une terre du Charlevoix, fera contre mauvaise fortune bon cœur et achètera le bureau de la Place Laurier pour assurer aussitôt la relève. Ce sera pour lui l’occasion de laisser parler son talent inné pour les affaires. Une année plus tard, un nouvel optométriste viendra le seconder pour répondre à la demande croissante d’une population dont les services optiques sont désormais couverts par l’assurance maladie. En 1979, René Marchand double la superficie de son bureau. Il s’implique fortement dans l’Association des marchands du centre commercial et développe de précieux contacts d’affaires : « J’ai beaucoup appris auprès des commerçants locaux que nous fréquentions et j’ai pu acquérir ainsi des compétences en gestion. » Mais René Marchand explique également combien son épouse Carole, enseignante, a été d’un soutien inestimable aussi bien dans l’administration que dans tous les aspects de marketing. Il rappelle encore l’importance d’engager les bonnes personnes pour former une équipe performante. Mais l’optométriste n’aura pas de recette secrète à nous livrer. Il dévoilera tout simplement « qu’il faut avoir confiance en la nature humaine ».

René Marchand aura pourtant été un entrepreneur intrépide lorsqu’il ouvre dans les années 1970 un bureau place d’Youville qui ne répondra pas aux attentes et aux promesses des promoteurs de l’époque. « Lorsque l’on commet une erreur, il faut la corriger rapidement. J’ai aussitôt ouvert un autre bureau à St-Nicolas qui a très bien fonctionné », explique celui qui insufflera en 1983 un formidable élan à son entreprise en prenant le contrôle des neuf concessions québécoises de lunetterie Sears qui existaient à l’époque.

Continuité : le défi de Frédéric
René Marchand est toujours actif dans l’entreprise familiale, mais c’est sur son fils Frédéric que repose le futur. Après un bac en administration des affaires obtenu en 1996, ce dernier veut pousser plus loin son implication : « J’étais encore jeune et je voulais être un spécialiste du domaine pour bien gérer l’entreprise. J’ai constaté combien c’était un atout pour mon père d’être optométriste, alors je suis allé faire mon cours. Et plus j’avançais dans le programme, plus j’aimais ça. Aujourd’hui, je ne pourrai pas me passer de mes deux jours par semaine en tant qu’optométriste. J’aime aider les gens et avoir cette belle interaction avec eux. Cela me permet de demeurer connecté et de garder ma pratique à jour pour ne pas perdre la part d’intuition clinique… »

Depuis la venue de Frédéric Marchand dans la sphère dirigeante, l’entreprise s’est encore développée avec, en 2006, le Centre oculaire de Québec, initié en partenariat avec les ophtalmologistes. Il représente un parfait guichet unique de services optique facilitant l’accessibilité aux spécialistes de la vue. Mais c’est en 2007 que le groupe Marchand planifie l’achat des bureaux de l’opticienRichardGiguère. Un achat de 15 succursales qui sera concrétisé en 2009 et qui propulsera l’entreprise dans le rang des plus importants réseaux d’optique du Québec.

Trois ans après cette acquisition majeure, Frédéric Marchand se réjouit d’avoir orchestré cette opération : « La nouvelle bannière Marchand Giguère est maintenant reconnue et nous apprécions queRichardGiguère soit toujours bien impliqué dans notre entreprise. Il s’agissait pour nous d’offrir une complémentarité et de nous rapprocher des opticiens pour nous aider à offrir un meilleur service. Cette union s’est avérée très positive et l’année 2012 sera une année record à bien des égards. »

Dans l’avenir, Frédéric Marchand envisage de privilégier des modèles de partenariats ou d’associations avec des optométristes, comme c’est déjà le cas dans les cinq bureaux du nord de Montréal. Pour lui, il s’agit « de développer le réseau en fonction des opportunités qui vont se présenter, de poursuivre la croissance et d’investir dans les aménagements de bureaux. Notre philosophie demeure d’en donner le plus possible au client! »

Dernièrement, l’entreprise a ouvert un bureau Boutique Marchand dans le centre commercial Place Ste-Foy. Une boutique qui propose aux clients des montures exclusives et très haut de gamme. Clément Fages est l’opticien d’origine française qui supervise la boutique. « Il connaît parfaitement le créneau des très belles montures, les matériaux nobles et la fabrication des lunettes et des verres. Ici, mes parents connaissent tous les commerçants, qui sont des amis de longue date. Aujourd’hui, ce sont les groupes internationaux qui investissent les centres. La synergie de marchands locaux qui existait autrefois a un peu disparue… », précise le jeune homme d’affaires. René Marchand et son épouse Carole se sont donc fortement engagés dans une ouverture qui vient inscrire un fabuleux point d’orgue à leur aventure d’entrepreneurs.

Le groupe Marchand en chiffres

  • 24 bureaux Marchand-Giguère
  • 27 bureaux Lunetterie Sears
  • 1 Boutique Marchand
  • 1 centre oculaire multidisciplinaire avec une lunetterie à Québec (entre 20 et 25 ophtalmologistes)
  • 1 centre oculaire multidisciplinaire à Victoriaville (ouvert en 2012 avec 4 ophtalmologistes)
  • 1 centre multidisciplinaire à Lebourgneuf (optométristes et opticiens)
  • 1 centre multidisciplinaire dans l’édifice Delta de Ste-Foy (optométristes et opticiens)

Une réussite toute en équilibre

Serge Paquet
Une réussite toute en équilibre
ParIsabelle Boin-Serveau

Parfois, Serge Paquet s’interroge sur ce qu’aurait pu être son existence s’il n’avait pas été accepté en optométrie. Il n’a malheureusement pas de réponse, mais cela ne l’empêche pas de se considérer comme très chanceux d’exercer une profession qu’il aime et « d’être à mon compte depuis pratiquement le tout début de ma carrière ». C’est vrai qu’en tant qu’entrepreneur, il faut souvent travailler davantage. Mais, il est aussi vrai que l’on se sent plus libre. « Et cette liberté-là, cela vaut de l’or! », s’exclame-t-il.

Serge Paquet, qui a grandi à Neufchâtel (ville de Québec), n’a pas suivi les traces de son père fonctionnaire, mais a bien compris l’importance de la valeur que représente le travail. Nul besoin de ressentir l’appel divin, pour construire les voies de son destin… Le jeune homme a plutôt été influencé par l’optométriste Léonard Noël, gendre d’un couple d’amis de la famille. « J’étais attiré par le côté mystérieux de la salle d’examen. Je suis allé le voir et il m’a tout montré. J’ai immédiatement aimé ça! » explique celui qui a été également séduit par les avantages de la profession libérale.

« Réussir ma vie »

À propos de ses rêves d’enfant, Serge Paquet confesse qu’il a tout simplement désiré réussir sa vie, autant sur le plan professionnel que familial, la famille gravitant au sommet de ses priorités. Au cégep, l’étudiant en sciences de la santé fait sa demande d’admission en optométrie. Refusé une première fois par l’École d’optométrie de Montréal, il ne baisse pas les bras et s’inscrit durant une année de transition en activités physiques avant de retenter sa chance : « Ce n’était pas une année perdue puisqu’on avait l’occasion de suivre des cours d’anatomie qui étaient d’ailleurs crédités, peu importe ce que l’on faisait après. » C’est durant la session d’hiver de son année de «transition» que Serge Paquet fait la connaissance des pentes enneigées de Whistler en Colombie-Britannique. L’année suivante, en 1992, l’École d’optométrie lui ouvre enfin ses portes mettant fin à ses incertitudes : « J’ai vécu là-bas quatre formidables années au milieu d’étudiants dont certains sont encore des amis que je fréquente régulièrement… Je suis quelqu’un qui entretient ses amitiés », ajoute celui qui rencontre avec une infaillible constance ses amis du secondaire.

Tout est clair dans l’esprit de Serge Paquet : à la fin de ses études en optométrie, il va s’établir à Québec, sa ville natale. En 1996, il travaille d’abord dans le bureau indépendant de Nathalie Picard à Charlesbourg : « J’étais à temps partiel, car il faut se rappeler que ces années-là n’étaient pas très fastes dans notre domaine. Je suis donc allé compléter mon horaire chez Sears à Lévis avec le Dr René Marchand. »

Les premières armes en affaires

C’est un représentant qui informera le jeune optométriste de l’intention de Walmart d’ouvrir des centres d’optique dans ses magasins. « J’ai tout d’abord pensé que c’était de la folie et qu’aucun professionnel ne voudrait travailler là. », convient-t-il. Néanmoins, la graine entrepreneuriale qui avait déjà germé dans son esprit balaiera ses ultimes réticences.

C’est ainsi qu’en 1997, à 26 ans, Serge Paquet fait l’achat de la concession Walmart des Galeries de la Capitale. Pour le conforter dans son choix, la rumeur (décidemment récurrente!) de l’époque répand l’idée que « le marché de l’optique est fini pour les indépendants et que les chaînes vont envahir le domaine à la grandeur du continent ».

La même année, le jeune optométriste rempli d’espoir et débordant d’énergie cumule les bonheurs en unissant sa destinée à celle d’une jeune ergothérapeute : «1997 a été une année fantastique! Je crois que pour devenir un entrepreneur, le meilleur moment pour se lancer est celui où l’on n’a pas encore d’enfants, pas de maison… autrement dit, celui où l’on a rien à perdre. Pour moi, tout a très bien fonctionné. J’ai pu rembourser l’argent prêté par mon père six mois plus tard!»

Des paris gagnés

Serge Paquet n’a jamais senti de regard réprobateur de la part de ses confrères par rapport à son exercice au sein d’une grande surface, et sans doute a-t-il coupé court à la controverse en répétant qu’il faisait « chez Walmart ce que le Dr René Marchand fait chez Sears! » De fait, son bureau, Optique de la Capitale, fonctionne très bien. En 2002, Walmart décide de quitter les Galeries de la Capitale pour s’établir dans le quartier en pleine expansion du boulevard Lebourgneuf. Serge Paquet réalise alors que son destin est « trop » dépendant de ce géant du commerce de détail. Pourtant, il signe à nouveau un bail de cinq ans, mais ouvre en parallèle la Clinique visuelle de l’Hêtrière à Cap-Rouge, à l’ouest de la ville de Québec. Son objectif? Conquérir une absolue liberté décisionnelle.

En 2007, Serge Paquet ne renouvelle pas son bail avec Walmart et établit son bureau un peu plus loin sur le boulevard Lebourgneuf : « Je ne pouvais pas m’agrandir dans cette structure… il fallait donc que je prenne le risque de m’installer ailleurs. » Un mouvement qui s’inscrit logiquement dans sa nécessité de demeurer maître de son destin. Encore une fois, son intuition va donner raison au jeune entrepreneur qui défiera les plus sombres pronostics comptables en augmentant son chiffre d’affaires la même année du déménagement. Cette année, le bureau de l’Hêtrière a été transféré sur la route Gauvin, dans un tout nouveau centre commercial à l’architecture design. Résultat : un autre pari gagné!

Serge Paquet évoque les besoins des baby-boomers pour expliquer la très bonne tenue des affaires dans ses deux bureaux, mais il croit surtout que c’est la qualité de son personnel et des professionnels, fidèles au poste depuis plus d’une décade, qui donne confiance à la clientèle : « Les gens sont plus constants qu’on ne pense. J’en ai eu la preuve avec la clientèle de Walmart qui m’a largement suivi. » En outre, les six jours d’examen, les trois soirs d’ouverture par semaine, le laboratoire et la disponibilité pour les urgences sont loin d’être étrangers au succès d’Optique de la Capitale.

Se détacher pour mieux revenir

Comme beaucoup d’entrepreneurs passionnés par leurs « bébés d’affaires », Serge Paquet a cru que la roue ne pouvait pas tourner sans lui. Cependant, en 2011, il a pris un nouveau risque en emmenant son épouse et ses deux filles, âgées de 12 et 9 ans, vivre l’aventure dans l’Ouest canadien. « Le but initial était de mettre nos enfants en immersion en langue anglaise durant une année », mentionne-t-il. Cependant, quelques mois avant de partir, il comprend qu’il ne pourra pas supporter une aussi longue séparation avec ses affaires. La famille optera pour un compromis de quatre mois qui aura le mérite de leur donner assez de temps pour expérimenter pleinement le mode de vie en Colombie-Britannique.

De retour de cette aventure, outre les bienfaits pour ses enfants, Serge Paquet retient le bénéfice d’avoir pu ralentir son rythme de vie. Il concède toutefois avoir travaillé trois jours par semaine et avoir gardé, à distance, un œil sur ses bureaux. « J’ai adoré tout ce temps libre que nous avions et toutes les activités de loisir que nous pouvions faire ensemble : vélo de montagne, golf, tennis, ski… Mais j’ai aussi réalisé que je ne suis pas fait pour ce style de vie à long terme. » Néanmoins, il a appris que son absence (pour une courte durée!) ne saurait mettre en péril ses affaires : « Tout cela est dû à mon équipe qui fait un travail extraordinaire. »

Une équipe qui va s’agrandir avec l’ouverture, prévue en mai, d’un troisième bureau. Parce que Serge Paquet est l’incarnation parfaite de la race des entrepreneurs, de celle qui veut croire que bâtir pour l’avenir, avoir une vision à long terme, c’est créer une richesse dans notre société. Et cette race n’a pas de raison de s’éteindre!