Madagascar – Cinquième île du monde en superficie, 22 millions d’habitants, une faune et une flore d’une rare richesse. Ce pays insulaire est en éternelle voie de développement et en manque flagrant d’infrastructures. Selon la Banque Mondiale, près de 70 pour cent de la population vit sous le seuil de pauvreté national. Mais comparativement au seuil international de pauvreté, ce sont 92 pour cent des Malgaches qui sont miséreux et n’ont pas le minimum pour répondre à leurs besoins de base. Comment sans eau, sans hygiène, sans revenu décent, assurer la santé visuelle de la population? Optométristes Sans Frontières (OSF) travaille inlassablement – d’un examen de la vue au suivant – à redonner une meilleure vue aux enfants, adultes et vieillards qui se présentent à son dispensaire provisoire.
Madagascar est inscrite aux destinations humanitaires d’OSF depuis un an seulement grâce à un partenariat avec la congrégation des Petites Franciscaines de Marie. La mission de septembre 2014, deuxième du genre en sol malgache, réunissait une équipe de huit bénévoles formée de trois optométristes, trois opticiens et deux assistantes.
Parmi ces professionnels, Nathalie Raymond, opticienne et copropriétaire de la clinique mobile Raymond & Côté, décidait de dire « oui » à l’appel pour une toute première fois. « Jeune adulte, j’avais pour modèle la Dre Lucille Teasdale et je rêvais de devenir médecin pour participer à des voyages humanitaires. Lorsque ma collègue, Dre Véronique Dion m’a annoncé qu’elle partait avec OSF en septembre, je me suis tout de suite intéressée au projet. Il faut dire que la mission était pilotée par le Dr Hector Tremblay, optométriste à la retraite de Coaticook, qui réalisait sa 47e mission et qui est un être totalement inspirant et motivant. Notre objectif était de dispenser des soins en milieu rural et pauvre, où vit 80 % de la population de Madagascar, et croyez-moi, il y a beaucoup d’ouvrage à faire! Après des mois de préparation, nous nous sommes envolés le 3 septembre pour trois semaines de travail ardu. Nous devions apporter nos propres équipements dans nos deux grosses valises où ils occupaient les trois quarts du volume permis. Nous avons été accueillis à bras ouverts par les religieuses qui nous disaient à quel point nous étions « espérés » là-bas. Rapidement, nous nous sommes mis à l’œuvre dans un dispensaire de brousse où défilaient du matin au soir des personnes de tous les âges ayant besoin de soins oculaires. En neuf jours, notre équipe de huit professionnels a accordé 1019 consultations. C’est plus de 110 patients par jour. La majorité de ces gens avaient marché de 20 à 25 km, s’étaient déplacés pendant la nuit pour arriver les premiers ou avaient attendu toute la journée sous un soleil de plomb. Alors à la fin de la journée, nous ne pouvions pas dire non. Chaque jour, nous terminions en appelant en supplément les dix patients les plus âgés et les dix patients habitant le plus loin. Ma satisfaction personnelle était tellement grande, que je ne sentais pas ma fatigue. »
« Nous avons tout vu! Des cataractes à profusion qui se développent dès le début de la quarantaine, car tout le monde en Afrique vit dehors sans protection solaire depuis le plus jeune âge. Le ptérygion, cette excroissance bénigne de la conjonctive qui prolifère en Afrique, toujours en raison de l’exposition continue au soleil et à l’absence de protection contre les UV. Des infections de tous genres, la DMLA, et aussi des gens tout simplement myopes, presbytes et n’ayant jamais porté de lunettes de leur vie. Les résultats obtenus avec les lunettes recyclées que nous « trafiquions » pour chacun n’ont rien à voir avec les critères d’ajustement d’ici. Il nous fallait souvent privilégier un œil au détriment de l’autre. Les ajustements n’étaient pas « 100 pour cent », mais c’était 1000 fois mieux que sans lunettes. En tout, nous avons distribué 953 lunettes de prescription, ajouté 364 clips solaires et remis 561 lunettes solaires neutres. Sans compter la multitude de conseils d’hygiène donnés à des gens qui, souvent privés d’eau, ont l’habitude de s’essuyer le visage avec leurs vêtements empreints de la poussière du sol. »
Pour la Dre Véronique Dion qui en était à sa huitième mission, ce fut l’une des plus belles sur le terrain. « La chimie était très bonne au sein de l’équipe et les Malgaches étaient particulièrement accueillants. Il est toujours très enrichissant au plan humain de faire une différence en utilisant notre savoir à l’étranger, là où la pénurie est présente à tous les niveaux. Et au retour, on dirait que la pratique est différente. On prend un peu plus de temps avec nos patients, on s’applique à bien écouter, tout prend une teinte plus humaine. Bien sûr, c’est frustrant de poser des diagnostics de cataractes et de glaucome qui nécessitent un suivi médical qu’on sait inexistant. Par contre, une simple paire de lunettes peut permettre à cette femme presbyte de poursuivre des travaux manuels pour gagner la vie de sa famille ou à cet enfant myope de mieux apprendre à l’école. Je n’oublierai pas de sitôt cet homme à qui j’ai remis sa première paire de lunettes de sa vie… il avait 80 ans. »
L’action d’OSF et de ses partenaires est concrète et récurrente. Elle épouse la vision de l’Organisation mondiale de la santé qui identifie les erreurs de réfraction et la basse vision comme maladies oculaires prioritaires auxquelles il importe de s’attaquer. Pour faire un don à OSF ou participer à nos missions, rendez-vous au http://www.optometristessansfrontieres.ca/donner.php.