Par Barbara Pelletier, OD.
Au printemps dernier, les résultats tant attendus de l’étude AREDS 21 sont sortis. Les conclusions en ont surpris plusieurs et ont même semé la confusion chez certains. Voici un regard sur les résultats, sous un angle nutritionnel.
L’étude, qui s’est étendue sur cinq ans, visait à analyser les effets d’un supplément administré quotidiennement contenant 10 mg de lutéine et 2 mg de zéaxanthine et/ou 350 mg d’ADH et 650 mg d’AEP sur la progression au stade avancé de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). L’objectif secondaire de l’étude était de vérifier si des formulations AREDS modifiées, l’une sans bêta-carotène, l’autre à dose réduite de zinc, étaient aussi efficaces que la formulation originale AREDS pour réduire le risque de progression au stade avancé de la maladie. L’objectif de l’étude n’en était donc pas un de prévention primaire. Les sujets étudiés lors d’AREDS 2 présentaient un état pathologique plus avancé que ceux de l’étude AREDS originale. De plus, ils étaient plus âgés et plus éduqués que la population générale et prenaient généralement bien soin d’eux-mêmes.
Tous les participants de l’étude ont pris 500 mg de vitamine C, 400 UI de vitamine E et 2 mg de cuivre. En outre, la moitié des participants a reçu 10 mg de lutéine, 2 mg de zéaxanthine, 350 mg d’ADH, 650 mg d’AEP, 25 000 UI de bêta-carotène et 80 mg de zinc, alors que l’on a administré à l’autre moitié des suppléments factices (placebo).
Lutéine et zéaxanthine
Les résultats d’AREDS 2 ont rapporté 18 % de réduction de progression de la DMLA avancée chez les sujets ayant reçu 10 mg de lutéine et 2 mg de zéaxanthine en plus du supplément AREDS sans bêta-carotène, comparativement au supplément AREDS original avec bêta-carotène. De plus, les chercheurs ont remarqué des effets de protection de la lutéine et de la zéaxanthine plus prononcés chez les sujets dont l’apport alimentaire de ces nutriments était le plus faible, ce qui est plus représentatif de la population américaine en général. En effet, l’apport alimentaire de lutéine et de zéaxanthine chez les Américains est de moins de 1 mg par jour, ce qui est bien inférieur à la quantité nécessaire pour prévenir efficacement la DMLA, selon les études scientifiques. Néanmoins, les chercheurs ont quand même observé un effet bénéfique de la supplémentation de lutéine et de zéaxanthine chez les sujets ayant l’apport alimentaire le plus élevé de ces nutriments.
Bêta-carotène
Dans l’étude AREDS1, le bêta-carotène a été ajouté à la formulation parce qu’il était à l’époque un antioxydant populaire. Cet antioxydant, contrairement à la lutéine et à la zéaxanthine, n’est pas présent dans l’oeil. On a constaté que le bêta-carotène ne jouait probablement pas un grand rôle dans la prévention de la DMLA. Comme des études précédentes ont démontré un risque accru de cancer du poumon chez les sujets fumeurs qui prenaient un supplément de bêta-carotène, AREDS 2 ne contient pas cet antioxydant. Les chercheurs ont trouvé un risque deux fois plus grand de cancer du poumon chez les sujets ayant pris du bêta-carotène : 90 % de ces cancers ont été décelés chez des ex-fumeurs et il s’est avéré que 50% des sujets de l’étude AREDS 2 étaient des ex-fumeurs. Plusieurs personnes atteintes de DMLA ont fait l’expérience du tabagisme. C’est pour cette raison que le bêta-carotène ne devait pas faire partie de la formulation AREDS 2.
De plus, le bêta-carotène sous forme de supplément entraîne une réduction de la lutéine et de la zéaxanthine sanguine de 33 %. Par contre, le bêta-carotène provenant des aliments n’a pas démontré cet effet. Comme il n’est plus recommandé d’utiliser des suppléments de bêta-carotène, il est donc important d’encourager vos patients à manger des aliments riches en caroténoïde, puisqu’il se convertit en vitamine A, qui à son tour se transforme en rhodopsine et en photopsine, des éléments-clés du signal visuel. Les patates douces, les carottes et les courges sont de bonnes sources de bêta-carotène.
Oméga-3
À la surprise de plusieurs, les oméga-3 étudiés dans AREDS 2 n’ont pas démontré d’effets positifs au stade avancé de la DMLA. Plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu. Le document officiel du National Health Institute stipule que « les autres facteurs à considérer sont la dose inadéquate, la durée inadéquate du traitement, ou les deux. La forme d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne d’oméga-3 (ester éthylique) et le rapport DHA:EPA peuvent s’avérer inappropriés ».
Une autre piste démontre que le groupe placebo recevait déjà un apport plus élevé d’AEP et d’ADH dans leur alimentation que la moyenne des Américains. Peut-être que l’AEP et l’ADH sont plus efficaces lors des stades moins avancés de la DMLA. Reste que l’AEP et l’ADH sont des composantes notables de la rétine. Il est donc important de consommer des poissons gras de type sardines, maquereaux, saumon sauvage et truite arc-en-ciel. Comme plusieurs personnes n’arrivent pas à consommer suffisamment de sources alimentaires d’oméga-3, un supplément d’oméga-3 pour favoriser la santé maculaire (environ 2 000 mg sous la forme de triglycéride ré-estérifiée) est encore à recommander selon plusieurs experts, notamment le Dr Finemann, spécialiste de la rétine à l’hôpital Wills Eye de Philadelphie.
À la suite de l’analyse des résultats de l’étude, le National Eye Institute a recommandé d’ajouter 10 mg de lutéine, 2 mg de zéaxanthine et d’éliminer le bêta-carotène de la formule originale AREDS. L’étude AREDS 2 avait pour but d’analyser les effets protecteurs sur les gens déjà parvenus au stade intermédiaire de la DMLA. Il ne faut pas perdre de vue que le nombre de cas de DMLA devrait doubler d’ici l’année 2031. La prévention devrait donc être une priorité pour tous, et celle-ci passe par l’éducation de chaque patient, tout particulièrement de ceux qui sont à risque de développer la maladie.
1. Les résultats initiaux de l’étude ont été publiés dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) and JAMA Ophthalmology (http://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=1684847). Autre source: Nutrition Action Healthletter, October 2013. Publisher: Centre for Science in the Public Interest.