Par Isabelle Boin-Serveau
Frenette, Benoît. La vision et l’environnement de travail
Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal, 2013.
Professeur à l’École d’optométrie de l’Université de Montréal, Benoît Frenette est reconnu pour son expertise en ce qui a trait à la vision dans un contexte de travail. Jusqu’ici, la seule « bible » abordant le sujet a été publiée en 1993 par deux spécialistes américains, Donald G. Pitts et Robert N. Kleinstein1. Or, depuis 20 ans, de nombreuses innovations technologiques ont bouleversé les habitudes et les conditions de travail. Benoît Frenette a donc saisi l’occasion de mettre à jour les connaissances dans ce domaine, comblant du même coup une absence de référence francophone.
Son ouvrage, véritable manuel didactique, a le mérite d’énoncer clairement les solutions (ou des pistes de solutions), qui seront pertinentes aussi bien à l’endroit des spécialistes de la vue (notamment les optométristes en pratique privée qui reçoivent un vaste échantillon de salariés), des étudiants, des intervenants en santé et sécurité du travail, que des entrepreneurs soucieux du bien-être et de la productivité des employés, etc. Le propos de Benoît Frenette est donc pratico-pratique tout en exposant les multiples problématiques et enjeux que revêt la vision dans l’univers du travail.
Le premier segment s’ouvre sur une présentation anatomique de l’œil et sur les tests de la vue. Si les professionnels de la vue passeront rapidement sur cette introduction, il est à parier que beaucoup d’autres la liront avec profit. Surtout que l’auteur ne perd jamais de vue son objectif qui est d’exposer la situation dans un contexte de travail et notamment les différents tests de vue utilisés dans l’évaluation des capacités visuelles de travailleurs (p. 21).
En première partie, le chapitre consacré à l’éclairage s’avère tout simplement passionnant! Et lorsque l’on mentionne la lumière, on aborde ses multiples corollaires immédiats tels que : « le spectre de radiations »; le calcul du « niveau d’éclairement » des postes de travail; l’évaluation méthodique de l’environnement tenant compte de « l’ergorama, le mésorama et le panorama » (p. 36) – ces zones de travail qui entrent en rapport avec la luminance; etc. Benoît Frenette a d’ailleurs eu la bonne idée d’illustrer toutes ses démonstrations à l’aide de tableaux et croquis éclairant la méthode de calcul du niveau de lumière idéal. S’en suit une démonstration complète des différentes composantes de l’éclairage : description des diverses ampoules et de leur influence sur le rendu des couleurs (p. 47) jusqu’au choix adéquat des luminaires afin de mieux diffuser la lumière en fonction des besoins de l’activité. Toujours dans cette même première partie, l’auteur dévoile des exemples concrets d’intervention dans différentes entreprises : bureau d’avocats, salle de classe, musée et usine. De quoi inspirer des solutions concrètes! Les chapitres sur l’ergonomie, la fatigue oculaire, la détérioration de la vision au travail et l’usage de l’ordinateur poussent l’analyse plus loin dans l’objectif de résolution de problèmes visuels.
Dans la deuxième partie, Benoît Frenette examine plus spécifiquement la protection oculaire. Il dresse le portrait des accidents oculaires au Québec qui concernent annuellement quelque 1 000 personnes (p. 90). Il aborde également les normes de fabrication des lunettes de sécurité et leur spécificité selon les activités des travailleurs. L’auteur consacre un bon nombre de pages à la protection solaire et à la façon de bien choisir une paire de lunettes de soleil avant d’aborder très concrètement l’implantation d’un programme de prévention dans un contexte de travail et le rôle que peut y jouer l’optométriste. Benoît Frenette n’hésite pas à rappeler l’épineux problème de l’interdiction des lentilles cornéennes qui semble prévaloir dans les milieux de travail. Après avoir décrit les avantages et les inconvénients du port des lentilles cornéennes, il conclut qu’il « pourrait même avoir un effet protecteur » tout en ajoutant qu’il faut surtout bien « encadrer le port des lentilles cornéennes » (p. 151).
Enfin, la troisième et dernière partie décrit les aptitudes visuelles requises pour certaines professions, les avantages et les risques du laser. L’ouvrage se termine par une annexe composée de deux aide-mémoire, un pour les intervenants en milieu de travail (p. 181) et un autre pour les spécialistes de la vue (p. 183). Avec ce manuel, les lecteurs n’auront plus aucun doute quant à la portée significative de l’expression « bien voir », celle qui justement « peut faire la différence entre la sécurité et l’accident, entre le confort et l’inconfort, entre la productivité et l’inefficacité » (p. 25). La vision et l’environnement de travail s’affirme sans contexte comme LA référence dans le domaine.
1. Pitts, D.G. et R. N. Kleinstein, Environmental Vision : Interactions of the Eye, Vision, and the Environment. Oxford : Butterworth-Heinemann Elsevier, 1993.