Petites ou rondes? Larges ou fines? Carrées ou ovales? Blanches, noires ou colorées? Nécessaires ou accessoires? Terminée la période de honte lorsque l’adolescent ou le jeune adulte était contraint de se munir de lunettes. Aujourd’hui, « porter des lunettes » rime avec apparence. Les jeunes de 16 à 24 ans adorent la mode, soignent leur image et se passionnent de technologie et de médias sociaux. Lorsqu’ils entrent dans une boutique de lunettes, ils savent déjà ce qu’ils recherchent ou en ont une très bonne idée puisque l’industrie de la lunetterie – à l’instar de la mode vestimentaire – leur offre un choix quasi infini. Avec ou sans prescription, les lunettes revigorent l’allure en moins de deux. Le marché de la lunetterie offre plus de mille marques et la jeune clientèle optera certainement pour l’un des modèles répondant au goût du jour et mis à l’avant-plan par une vedette ou une série télévisée.
Parmi les montures offertes, celles inspirées du courant vintage font encore fureur. Les styles portés au cours des années 70, 80 et 90 connaissent un deuxième souffle grâce aux designers qui renouvellent le genre en fusionnant avec beaucoup de talent des matériaux légers. Ces montures s’inspirant du passé proposent créativité, légèreté et
surtout confort.
Une clientèle en quête d’originalité et friande de mode
Chez Harry Toulch, opticien de père en fils depuis 1958, Michael Toulch raconte d’un ton amusé qu’il vend au même prix qu’à l’époque de leur création des modèles invendus des années 70, 80 et 90.
Et sa jeune clientèle est ravie. « Ils veulent de vrais vintages et en sont tout simplement accros. Ce segment de ma clientèle est pourtant excessivement branché sur la technologie. Ils n’ont pas vécu ces périodes, la plupart d’entre eux n’étaient même pas nés, mais ils trouvent le design de ces lunettes irrésistible! » La jeune clientèle qui le consulte et lui achète des lunettes à sa boutique du boulevard Saint-Laurent à Montréal, est constituée pour l’essentiel d’universitaires à l’aube de la vingtaine. « Ce sont des étudiants étrangers, anglophones qui fréquentent l’université McGill et débourseront en moyenne entre 200 $ et 300 $… et ce, que pour la monture. »
« Toutefois, fait remarquer Michael Toulch, les lunettes Ray-Ban et Oliver Peoples, des marques contemporaines inspirées de la période vintage, demeurent sans conteste des produits très populaires auprès de ce groupe d’âge. De plus, ces produits sont disponibles dans une gamme de modèles attrayants et présentent un rapport qualité-prix tout à fait acceptable pour les jeunes peu disposés à faire des concessions sur leur apparence ». C’est justement ce côté à la fois rétro et futuriste qui séduit les amateurs de lunettes Oliver Peoples, montures finies à la main et fabriquées d’acétate et de métal. Le logo reste quant à lui toujours très discret, ce qui n’empêche pas la marque américaine d’être portée par de nombreuses vedettes de cinéma. Demeurant abordables, les lunettes Ray-Ban s’actualisent au goût du jour, comme le démontre le célèbre modèle Wayfarer présenté en version bicolore. La couleur des lentilles solaires est, quant à elle, au choix du client. Pour leurs solaires, les jeunes de 16 à 24 ans optent plus volontiers pour les couleurs et effets miroir que les 35 ans aux goûts nettement plus conventionnels.
En ce qui concerne la jeune clientèle féminine, elle adore tout autant le vintage, rivalise d’audace pour le port de montures colorées et considère les lunettes comme un accessoire complétant son style. « Les jeunes femmes aiment les marques comme Michael Kors qu’elles peuvent agencer avec d’autres accessoires », affirme Franca Rousseau, directrice de la mise en marché chez New Look. Elles sont à l’affût du « bon style » et de la « bonne marque » de lunettes. « Les jeunes n’hésitent pas à débourser des sommes variant entre 150 $ et 200 $ pour une monture ophtalmique de style vintage, bohémien ou sportif, signée Hugo Boss, Michael Kors, Marc by Marc Jacobs ou Dolce & Gabbana. En matière de solaires, ils se tournent vers les marques Polaroid ou Oakley beaucoup plus abordables ». Deuxième plus grand groupe de magasins détaillants en optique au Canada, New Look compte plus de 200 succursales et se positionne comme le leader au Québec et dans les Maritimes avec ses trois bannières, soit New Look, Vogue Optical et Greiche & Scaff.
« Tout ce qui a trait à la mode devient un facteur à ne pas négliger pour ce groupe d’âge. Les jeunes aiment les lunettes fabriquées en acétate, souvent très colorées ou affichant des impressions recherchées », mentionne pour sa part Christine Breton, directrice générale d’Opto-Réseau.
Karine McDuff, opticienne du Bar à lunettes situé à Saint-Lambert – un des quatre bureaux d’optique que compte l’entreprise – connaît bien ce marché. Cette succursale reçoit en effet une clientèle de type familial, dont 40 pour cent est constituée de jeunes de 16 à 24 ans. « Les jeunes recherchent davantage un style unique qu’une marque. Ceux qui viennent chez nous ne veulent pas de logos affichés sur leur monture. Ils apprécient plutôt les montures apparentes, colorées, arrondies ainsi que les petits formats de style pantos. Les lunettes rondes comme celles que portait John Lennon reviennent à la mode. Et puis, ils aiment bien adopter l’allure d’une vedette comme Xavier Dolan ». Parmi ses produits vedettes, certains sont aussitôt évoqués. « Les jeunes adultes aiment beaucoup la collection Anne et Valentin et les modèles Selima en acétate. Ils apprécient les formes papillon ou arrondies, les coloris et les montures épaisses. Côté solaires, ils penchent pour la marque Spy qui n’est pas trop dispendieuse et propose un look urbain et sportif. »
La marque canadienne Spectacle Eyeworks a également la cote pour l’originalité de ses modèles créés par le designer Mehran Baghaie. Les jeunes affectionnent tout particulièrement les montures inusitées qui expriment ce petit brin d’audace tant apprécié lorsqu’on souhaite se distinguer. Ne faisant pas exception à la vague actuelle, les design sont revisités pour proposer de beaux accessoires déclinés en une abondance de coloris et de variantes sur un même thème.
Les tendances en lunetterie
Le style vintage ou rétro demeure très populaire, mais les silhouettes des montures s’amincissent. « Le noir semble toujours très populaire, bien que nous constations une tendance vers les couleurs, les dégradés, les nuances écaille de tortue et les motifs multiples et stratifiés », souligne Beverly Suliteanu, vice-présidente développement de la production chez WestGroupe. « Les différents traitements de nos montures en acétate Kliik, comme les finis mats, “soft touch” et simili bois, ont connu un grand succès. Si l’acétate demeure toujours en vogue, nous avons de plus en plus de demandes pour des métaux de style rétro. Les couleurs antiques et la décoloration formeraient la prochaine tendance du côté des modèles métalliques ».
Un marché en progression
Chez New Look, Franca Rousseau observe une hausse constante des ventes auprès des 16 à 24 ans. « Ils représentent 11 pour cent de notre clientèle et nous avons créé dans nos boutiques des divisions « Style de vie » consacrées aux multiples propositions des fabricants les plus renommés. Enfin, nous nous adressons directement aux jeunes par l’entremise de notre page Facebook ».
Jade Sanscartier, gestionnaire au service marketing de Sàfilo, remarque de son côté une augmentation du marché de 20 à 25 pour cent concernant ce groupe d’âge. Une niche que s’empressent de combler leurs marques Carrera, Hugo Boss, Marc by Marc Jacobs et Polaroid.
Savoir présenter les produits Jeunesse
Karine McDuff considère important de consacrer du temps à la jeune clientèle afin de bien saisir ce qu’elle recherche. Cerner le style de vie du jeune est primordial. S’il travaille dans les cuisines d’un restaurant, il aura besoin d’une monture qui tient bien, à nettoyage facile. Un grand sportif privilégiera des lunettes légères, résistantes aux chocs, fabriquées en matière robuste et dotées d’un traitement contre la décoloration par le soleil. Un jeune sédentaire préfèrera sans doute des lunettes légères et confortables, alors qu’une personne souffrant de myopie sévère souhaitera une paire de lunettes la plus discrète possible. Sans compter que les jeunes veulent souvent alterner entre le port de lunettes et des lentilles cornéennes jetables, pour plus de liberté de mouvement et une apparence toute naturelle.
Selon Jade Sanscartier, « il est important que le professionnel de la vue maîtrise les informations en termes de matériaux utilisés et de design pour chacune des collections offertes en boutique. Il intéressera sa jeune clientèle s’il connaît les dernières nouvelles relatives au designer. S’il saisit bien le marché ciblé par une collection, il pourra non seulement présenter les lunettes, mais aussi les valeurs associées à la marque. Certaines collections comme Marc by Marc Jacobs possèdent une forte culture et ce genre de détail peut influencer le choix des jeunes. Il ne faut pas sous-estimer leurs connaissances sur leurs marques préférées ».
Les jeunes magasinent beaucoup sur le Web. Les médias sociaux sont extrêmement importants pour eux. Une approche numérique adaptée à ce groupe d’âge permet assurément de les rejoindre. Les sites Web comme ceux de Ray-Ban, Spy, Reeva l’ont bien compris et présentent un concept attrayant : de la house music accompagnée des photos de DJ portant les produits de la marque et suggérant un look décontracté.
C’est généralement une fois la monture choisie que la question des verres se pose. Les particularités des lentilles sont nombreuses et l’importance de ce choix ne doit pas être minimisée. Tout comme pour les montures, le professionnel de la vue devra bien connaître le profil de son client afin de lui suggérer le meilleur produit correspondant à ses besoins.
Ainsi, les jeunes – ambassadeurs et précurseurs de la mode – semblent avoir compris qu’il suffit souvent de se munir de belles lunettes pour être à la mode! Les créateurs de tous les horizons répondent à l’appel en alimentant leur imaginaire au moyen de montures inspirantes faisant la promotion de leur individualité. Il appartient aux professionnels d’accueillir et d’accompagner cette clientèle de façon personnalisée pour répondre aux besoins propres à cette génération.