Pouvoir d’achat exponentiel, grands utilisateurs du Web et des médias sociaux et hypersensibilité de leur image, les jeunes ne demandent pas mieux que d’être séduits par des produits qui exprimeront leur univers, mais comment les cerner et les rejoindre efficacement?
Les statistiques pleuvent à leur sujet : les adolescents de 15 à 19 ans représentent, selon Statistiques Canada, 23 pour cent de la population canadienne. Les 12 à 17 ans sont les plus grands utilisateurs de mobile et selon une étude de Pew Internet, un adolescent sur quatre aux États-Unis accède à Internet principalement sur son téléphone, et trois sur quatre depuis n’importe quel appareil mobile. C’est dire que cette tranche d’âge au Québec navigue beaucoup virtuellement, et par conséquent, modifie les habitudes d’achats dans le secteur du commerce de détail. De plus, ce segment de consommateurs au Québec possède un pouvoir d’achat de deux milliards de dollars par année sans omettre leur pouvoir bien réel d’influencer leurs parents quant à leurs décisions d’achats, et ce, pour 4 milliards de dollars par année.
On le sait, l’adolescence est une période d’ajustement, d’adaptation et de recherches identitaires qui sont nécessaires au sain développement de tout individu. Le marché de la lunetterie largement apparenté à celui de la mode apparait fort attrayant pour ce public cible aux caractéristiques variables. En tant que « cibles », les adolescents sont définis par leurs besoins d’appartenance et de reconnaissance vis-à-vis d’un groupe, d’une marque ou d’une célébrité. La tranche d’âge qui leur est attribuée est de plus en plus large et commence de plus en plus tôt! Il est donc important de leur dédier un espace de vente éloigné et différent de celui pour les enfants avec des marques bien spécifiques auxquelles ils peuvent s’identifier.
À ce sujet, Patrice Lagarde, président de l’agence de marketing Virus 1334 qui se spécialise pour le marché des 13 à 34 ans¹, dresse un portrait de ces jeunes consommateurs : « Il y a encore beaucoup trop d’idées préconçues au sujet du marché des jeunes. Virus 1334 se spécialise depuis douze ans auprès de cette cible, surtout ces cibles, car les comportements varient beaucoup d’un groupe d’âge à l’autre et du milieu. Nous raffinons au quotidien nos habiletés de communication et, bien sûr, l’explosion des médias sociaux change nos habitudes de communiquer. Cette façon d’entrer en relation très intime avec eux peut se révéler très efficace, mais aussi parfois catastrophique si vous ne vous entourez pas de spécialistes compétents pour encadrer votre communication. Le choix de vos plateformes publicitaires et la façon de transmettre votre contenu le sont tout autant. Combien d’entre vous ont partagé du contenu sur Instagram ou Snapchat, aujourd’hui? Je vais en surprendre plusieurs, les jeunes d’aujourd’hui écoutent encore la télévision et lisent toujours des magazines sur support papier2. Bien que chez Virus 1334 nous soyons très actifs sur les plateformes numériques, nous croyons tout de même que ces supports plus traditionnels occupent toujours une place très intéressante dans leur vie. Les lunettes sont plus qu’un appareil fonctionnel pour améliorer la vue. Les adolescents d’aujourd’hui cherchent dans ces accessoires de mode une façon de se forger une identité, une personnalité. Vous n’avez qu’à visiter une école privée par exemple, et vous serez surpris qu’au-delà des nobles aspirations de l’uniforme, le besoin d’affirmation de soi repose beaucoup sur les lunettes, les souliers et le manteau d’hiver. Les jeunes sont plus informés que jamais, ils naviguent à travers le monde d’un seul doigt, ils comparent et magasinent beaucoup sur le Web, mais ils recherchent aussi des expériences exceptionnelles en magasins. Brisons immédiatement un cliché : les jeunes sont fidèles, peut-être même plus que les générations précédentes. Toutefois, ils seront fidèles aux marques qui les écoutent et qui leur proposent des produits uniques et exclusifs. »
Selon la société lyonnaise Opal, distributrice et fabricante de grandes marques de lunettes de renommées dans le milieu du sport et de l’optique, comme la marque elevenparis, souligne dans le descriptif de ses produits, qu’au-delà de 12 ans, la segmentation du marché est plus tranchée et les adolescents ne se revendiquent plus que par les codes propres à leur âge. Pour les toucher, il convient de s’adapter à leurs outils de communication et par conséquent, utiliser les réseaux sociaux comme Instagram, YouTube, WhatsApp ou Snapchat. La marque elevenparis propose des montures citadines en métal ou en acétate aux formes variables, qui sauront plaire aux adolescents.
La société WestGroupe utilise également les médias sociaux pour rejoindre cette jeune clientèle : Instagram, YouTube, Facebook répondent présents pour montrer ses nouveaux modèles aux jeunes comme les marques FYSH aux formes et couleurs vibrantes ainsi que KliiK denmark inspirée des lignes modernes et épurées du design danois. Ces montures sont à la fois discrètes et stylées, conçues spécialement pour les consommateurs au visage plus petit et un sens marqué du style.
Jacinthe Laurendeau, opticienne de formation et présidente de LNLC inc. et directrice de mise en marché pour le Groupe Vision NewLook explique la stratégie de l’entreprise qui possède plus de 80 succursales au Québec et en Ontario : « Il y a plusieurs années, la question était si vous avez les moyens vous faisiez de la publicité à la télévision sinon les imprimés ou le journal local étaient privilégiés. Maintenant, nos moyens de communiquer sont presque infinis et il faut cibler le canal pour parler à nos clients. Nous sommes présents sur Instagram, sur Facebook, sur YouTube et nous faisons du Web télé. Notre fil Instagram est nourri de notre look book qui contient nos collections et il est renouvelé chaque saison en modèles pour femmes et hommes. Notre stratégie sur Instagram est vraiment jeune et mode. Tandis que sur Facebook, nous retrouvons plus d’informations sur notre expertise, car nous nous adressons à une autre clientèle plus âgée que sur Instagram. Il s’agit d’une stratégie sur laquelle nous travaillons beaucoup. »
Les influenceurs de la mode
Est-ce toujours efficace de se servir d’égéries ou de vedettes pour représenter les produits auprès des adolescents? Sur ce point, Patrice Lagarde apporte des nuances : « Se servir d’égérie ou de personnalités connues peut se révéler gagnant selon l’artiste choisi. Il y a des marques comme Converse qui ont distribué leurs chaussures à plusieurs artistes de la scène musicale. Les jeunes essaient souvent de calquer le style de certains artistes inspirants. Certaines campagnes se sont constituées avec la présence d’influenceurs, par exemple, sur YouTube, le produit est intégré lors de la présentation d’un youtubeur. Ce n’est pas une publicité qui annonce aux consommateurs un deux pour un. Les produits sont plutôt reconnaissables et intégrés dans le quotidien de l’influenceur et lors du visionnement, le jeune décidera s’il veut s’approprier le produit. Cependant, ce genre de placement de produit n’obtient pas toujours le succès escompté. C’est très frustrant pour des administrateurs d’entreprises, en 2018, de confier sa marque aux consommateurs et très difficile de devoir réinventer la recette publicitaire qui fonctionnait jadis si bien.»
La musique, la mode et les réseaux sociaux marque d’une façon indéniable le quotidien des ados, surtout les influenceurs, souvent des personnalités telles qu’un chanteur, un acteur, un top model ou un humoriste. C’est pour répondre à ces envies qu’elevenparis (Opal) s’entoure d’égéries prestigieuses, comme le rappeur Wiz Khalifa, le top model Kate Moss ou encore Paméla Anderson et Gabriel Kane, misent en image par l’illustre photographe Mathieu César. La marque de mode utilise également les graphismes du célèbre artiste urbain : Banksy. Elle collabore autant avec de jeunes artistes qu’avec de grandes entreprises comme Universal Music, Warner, Nickelodeon et Disney.
Les ventes de lunettes en lignes représentent 6,6 pour cent du total des ventes pour les très gros utilisateurs du Web. On prévoit qu’en 2021, il y aura 2 millions de lunettes vendues sur internet3.
L’expérience en boutique
Jacinthe Laurendeau rappelle que « La clientèle aime toucher et essayer le produit et apprécie l’expertise du professionnel. Nous on offre notre catalogue de montures sur le site Web. Les clients peuvent faire une présélection, choisir des montures, faire la liste de montures et envoyer sa liste à essayer en boutique. C’est dire que le client arrive en magasin et a fait une présélection. C’est notre façon de faciliter le choix de ce segment de clientèle très présent sur le Web. Bien sûr, avec l’expertise professionnelle en magasin, les professionnels de la vue encadrent bien le client en fonction de son choix final en tenant compte de sa prescription et de ses besoins visuels. »
On le voit, la compagnie Bonlook qui n’était présente que sur le Web ouvre maintenant des boutiques-kiosques. Plus intéressant encore pour le jeune client qui se déplace en boutique, c’est l’expérience, toucher, essayer et se faire conseiller sur le produit. Ainsi un professionnel de la vue qui maîtrise les informations en termes de matériaux utilisés et de design pour chacune des collections qu’il offre pourra non seulement présenter les lunettes, mais aussi les valeurs associées à la marque. Certaines collections comme Ray Ban possèdent une forte culture et ce genre de détail peut influencer le choix des jeunes.
Les nouveaux modèles proposés et les tendances du marché 2018
« L’acétate est encore très présent, par contre, il est devenu plus fin et plus coloré. Il y a beaucoup de cristal transparent offert dans une vaste palette de couleurs éclatantes. C’est le retour du métal combiné à l’acétate avec des formes rétro plus subtiles par des formes arrondies. La clientèle adolescente représente un bon pourcentage de nos clients. Chez NewLook, nos clients sont dans toutes les catégories d’âges. Les adolescents suivent de très près les tendances et peuvent être très stylisés. Phénomène intéressant, c’est souvent la jeune adolescente qui a vu des modèles sur Instagram qui amènera sa mère à changer de style. Les adolescents ont beaucoup d’influence sur la décision d’achat de leurs parents », mentionne Jacinthe Laurendeau.
À ce propos, les adolescents ainsi que les enfants en bas âge exercent une influence considérable sur leurs parents en matière d’achat de biens. Selon le site Web Packaging Digest, pour la seule année 2013, aux États-Unis, les enfants, en tant qu’influenceurs auprès de leurs parents, seraient responsables d’achats évalués à 600 milliards de dollars américains. D’après un rapport paru sur le site Web de Marketing Charts, 96 pour cent des adolescents américains auraient un certain degré d’influence auprès de leurs parents dans le processus d’achat de leurs vêtements. Pour les produits d’hygiène personnelle et les chaussures, cette proportion est de 93 pour cent. Lorsque vient le temps de choisir un restaurant-minute, 95 pour cent des adolescents auraient leur mot à dire. Si les adolescents influencent le choix de leurs parents dans l’achat de produits pour lesquels ils seront les premiers consommateurs (nourriture, jeux, fournitures scolaires, vêtements), ils ont aussi un poids lorsque vient le temps, pour un ménage, de se procurer des biens plus chers comme un téléviseur, un ordinateur ou même une automobile familiale. Rappelons que l’influence de l’adolescent dépend de plusieurs facteurs socioéconomiques, comme la taille de la famille ou encore le revenu familial.
Shaleen Ratansi, directrice du marketing chez WestGroupe, remarque que le style rétro demeure très populaire ainsi que les lunettes avec des faces surdimensionnées (oversize) et des silhouettes amincies. « Nous constatons cependant, une tendance vers les couleurs vives. Nous avons eu beaucoup de succès avec les différentes finitions pour l’acétate tels les finis mats, soft touch. Alors que l’acétate demeure en vogue, nous avons de plus en plus de demandes pour des métaux de style rétro. »
Plan « B » Alternative Eyewear propose 10 modèles de la marque Ice Cream. Des montures fabriquées de métal et d’acétate aux couleurs éclatantes et aux formes plus rondes d’inspiration rétro. Les faces des lunettes offrent des combinaisons aux couleurs vives et éclatantes comme le rose, le rouge et le bleu électrique.
ic! berlin étonne et détonne avec son produit phare : des lunettes en métal fin découpé dans des feuilles de métal avec un système de charnières sans vis. Le résultat est à la fois surprenant d’un point de vue esthétique, léger et incontestablement branché.
Marchon, avec ses marques Nike et Calvin Klein mise sur une clientèle adolescente sportive et urbaine. Tout comme Marcolin avec sa marque Timberland.
La marque française Lafont propose pour les adolescents des montures avec des faces aux formes uniques en acier inoxydable. Quatre modèles disponibles : CLIC, CLAC, CHUT et CRAC avec un choix de couleurs vives. Les lunettes sont offertes dans des finitions mates ou polies.
Tandis que le designer Jean-François Rey propose, pour les garçons de 12 à 16 ans, le modèle Cactus, une lunette fabriquée en acétate (Mazzucchelli) et métal. L’acétate est travaillé pour donner un effet écaille bleu/noir très lumineux.
Pour sa part, Sàfilo présente le modèle, pour la gent féminine Tommy Highfinger où la monture combine acétate et métal décliné dans un choix de coloris éclatants.
De toute évidence, les adolescents raffolent des multiples styles et propositions en lunetterie qui florissent comme une promesse de mieux-être. Les créateurs de tous les horizons répondent à l’appel en alimentant leur imaginaire au moyen de montures inspirantes faisant la promotion de leur individualité. Il appartient aux professionnels en boutique d’accueillir et d’accompagner cette clientèle de façon personnalisée pour répondre à leurs besoins de vivre une expérience unique.
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3.Source : emarketer août 2018/ccs insight 16 mars 2017