Au travail, la créativité fait peur. Parce qu’elle bouscule l’ordre établi et perturbe la routine. Ou encore, parce que le premier réflexe de votre boss est de boucher ses oreilles dès qu’il a vent d’une idée neuve qui ne vient pas de lui – en y pensant bien, je suis sûr qu’un exemple frappant va vous venir en tête –, et ce, en raison du fait qu’il considère que celle-ci vise avant tout à saper son autorité. Pas vrai ?
Pourtant, la créativité est vitale. Elle seule peut vous permettre, à vous et votre équipe, d’innover, de vous démarquer, voire de prendre un temps d’avance sur la concurrence. Et elle seule est à même de vous faire franchement triper dans votre quotidien au travail : quoi de mieux, en effet, que d’embarquer sur un nouveau projet qui nous passionne et nous permet d’user de nos talents propres ? Vous voyez…
Alors, comment en faire votre amie ? Voire votre alliée ? Nombre de chercheurs scientifiques se sont penchés sur la question, et je vais me faire un plaisir de synthétiser pour vous leurs trouvailles, convaincu (que je suis) qu’elles peuvent vous permettre de progresser dans votre travail.
John Kounios et Mark Beeman sont deux professeurs de psychologie, le premier à l’Université Drexel, à Philadelphie, le second à l’Université Northwestern, à Evanston. En scrutant ce qui se passait dans notre tête lorsqu’on trouvait une idée neuve, ils ont découvert en 2009 que la créativité correspondait bel et bien à une étincelle qui jaillissait dans notre cerveau. À un endroit très précis dénommé le gyrus temporal supérieur T1 (grosso modo, la bande latérale de notre cerveau située juste au-dessus de notre oreille gauche).
Or, savez-vous à quoi sert cette partie du cerveau ? À associer des idées qui n’ont a priori rien en commun. Autrement dit, la créativité découle directement de notre capacité à associer des informations hétéroclites.
Mine de rien, c’est là une fabuleuse découverte ! Pourquoi ? Tout bonnement parce que si l’on entend décupler notre créativité – en solo ou en groupe – il convient de nous mettre dans des conditions propices à l’activation de ce mécanisme cérébral. C’est aussi simple que ça.
D’autres chercheurs ont, du coup, mené différentes expériences visant à identifier les meilleurs moyens concrets d’innover. Et des innovateurs réputés s’en sont inspirés pour établir leurs propres méthodes pour attraper au vol les idées neuves.
Résultat ? Vous gagneriez, d’après moi, à user d’une méthode curieusement méconnue, mais que je chéris tant elle met merveilleusement en branle les bons mécanismes neuronaux : la « créativité spontanée ». Celle-ci a été en grande partie concoctée par Jessica Walsh, une designer à la tête du studio new-yorkais Sagmeister & Walsh. Elle consiste à oeuvrer en groupe, en cinq étapes :
- Accordez vos violons Chacun doit comprendre et accepter trois règles fondamentales de fonctionnement :
– Non à la critique (et à l’autocritique). Chacun doit se sentir libre d’exprimer l’idée qui lui passe par la tête, sans être jugé par qui que ce soit.
– Oui à l’expression de toutes les idées. En particulier celles qui nous semblent farfelues.
– Oui à la quantité, non à la qualité. L’objectif de chacun est d’émettre le maximum d’idées, peu importe qu’elles soient a priori bonnes, ou pas.
- Éclatez le groupe en binômes hétérogènes Le meilleur moyen d’innover, c’est de mettre ensemble deux cerveaux ; et si possible, deux cerveaux différents (ex.: le boss et le stagiaire). Le groupe doit donc créer des binômes hétérogènes. Puis, chaque binôme doit dresser la liste la plus longue possible d’idées neuves par rapport au thème de réflexion choisi, en les rédigeant sur une feuille de papier dans un temps imparti.
- Massacrez les idées des autres ! Dans chaque binôme, l’un des membres quitte sa place pour prendre celle d’un autre. On a alors de tout nouveaux binômes. Dans un premier temps, le nouveau venu doit se faire expliquer la liste par celui qui est resté. Dans un second temps, il lui faut massacrer ces idées-là, en fonction d’un seul critère : ne peuvent survivre que trois, les plus originales.
- Votez Toutes les idées survivantes sont rédigées sur de grands Post-It, lesquels sont installés sur un mur de la salle. Tout le monde les découvre ensemble, et chacun est appelé à voter pour ses préférées, à l’aide de collants colorés (ex.: bleu pour la meilleure, jaune pour la seconde et vert pour la troisième).
- Amusez-vous! Les trois idées élues sont présentées à tous par leurs inventeurs. Enfin, pour identifier la grande gagnante, on joue au bon, à la brute et au méchant… Trois volontaires se mettent en ligne. On leur soumet l’une des idées finalistes. Le premier doit suggérer une bonne façon de l’appliquer ; le deuxième, une mauvaise façon ; et le troisième, une encore pire ; tandis que le public acclame, ou hue, chacune des performances. À la clé, la meilleure idée – à la fois originale et réaliste – transparaît toujours. Comme par magie.
Voilà. Vous disposez à présent du joker de la « créativité spontanée ». À vous de le jouer à bon escient !
Par Olivier Schmouker