Bien conduire sa vente (2e partie)

Par Claude Guérin

La mise en place des argumentaires et d’une méthodologie 

Comme dans le cas d’un texte bien rédigé, le processus de vente doit aller en crescendo de manière très ordonnée. D’abord l’introduction représentée par la phase d’accueil, puis le développement séparé en quatre étapes et enfin, une conclusion qui parachèvera la livraison et le service après-vente!

Introduction

La phase d’accueil permet d’établir le lien de confiance : l’opticien démontre toute l’attention qu’il porte aux attentes du client pour aborder la vente, non pas comme une démarche marchande, mais plutôt comme une démarche de conseil.

Une bonne évaluation est donc impérative, sachant que tout le temps qui lui est consacré permettra d’aller plus vite ensuite.

Dès le départ, la saisie d’un certain nombre d’informations capitales garantit la bonne orientation du travail :

  •    Quel est le besoin?
  •    A-t-il une prescription?
  •    Lui avons-nous déjà fourni des lunettes?

• Si oui, reprendre tout de suite la fiche historique qui permet de situer ses attentes

• Sinon, question subsidiaire: en avons-nous fait à quelqu’un de sa famille ou à un ami? (Reprendre alors la fiche concernée permet de situer le référentiel du client).

C’est en effet  à vous qu’il appartient de l’aider à prendre conscience de ses besoins tant en termes professionnels qu’en matière de loisirs… en le mettant si nécessaire face à des situations concrètes types, auxquelles il n’a pas eu l’occasion de réfléchir.

Voici quelques exemples d’informations importantes:

  •    Musique : de quel instrument joue-t-il? (les besoins d’un pianiste ne sont pas comparables à ceux d’un trompettiste ou d’un violoncelliste!)
  •    Peinture : situation assise ou debout face à un chevalet? (la distance de travail n’est pas la même)
  •    Broderie, lecture : (bien contrôler la distance de Harmon!)
  •    Informatique : portable ou fixe ? Et quelle est la taille de l’écran? (les exigences d’un graphiste sont différentes d’un simple travail de bureautique!)
  •    Activités sportives : stables ou de mouvements qui nécessitent une grande stabilité de monture et peuvent imposer des contraintes rigoureuses en termes de vision périphérique.

C’est à cette étape qu’il est aussi nécessaire d’apprécier la qualité de la prescription optique et de prendre le temps de la contrôler ou de la compléter  si nécessaire. S’assurer de la bonne adéquation de la prescription est un préalable impératif en raison des conséquences techniques qu’elle a sur le choix des verres et sur celui de la monture.

Orientation de la vente

La vente des verres est beaucoup moins  « tangible » que la vente des montures, d’autant que, plus ils sont élaborés plus ils deviennent « invisibles ». Or, vendre de l’invisible n’est pas évident, et il faut éviter de risquer de « saouler » le client avec force détails techniques qui ne l’intéressent pas forcément.

C’est pourquoi, il s’avère beaucoup plus pertinent de gagner la confiance du client par la qualité du conseil fourni au moment du choix de la monture. Cette confiance acquise se reporte alors tout naturellement quand vient le temps d’aborder l’achat des verres.

 

Développement

Les grandes étapes à respecter scrupuleusement lors du déroulement de la vente :

1. Interrogation sur les attentes qui viendront enrichir les informations recueillies lors de la phase d’accueil

C’est à cette étape que l’opticien cerne les motivations conscientes facilement formulables : il-elle désire des lunettes classiques, fantaisie, discrètes, légères etc. Ces motivations doivent être complétées par la recherche de celles inconscientes et non formulées. Habituellement, il s’agit là d’éléments moteurs dans nos décisions d’achats. Et le célèbre SONCAS est justement là pour nous aider dans cette découverte (voir chronique précédente).

Une même monture peut en effet répondre à des critères différents, mais l’argumentaire sera ou non bien reçu selon qu’il correspond ou non à cette attente.

2. Prise de l’écart pupillaire

 

C’est le premier acte professionnel à poser, d’abord parce qu’il vous fait reconnaître dans votre dimension d’opticien (acte sécurisant) et ensuite parce qu’il montre que vos propositions de choix seront totalement personnalisées. De plus, cette mesure vous permettra un gain de temps précieux pour sélectionner rapidement la bonne forme des montures.

3. Essai de montures

Pour éliminer tout risque de confusion, vous procédez alors à une sélection limitée de 5 ou 6 montures maximum, qui respectent (comme nous l’avons vu lors des chapitres précédents), la largeur pupillaire, la taille de visage et la carnation.

Sauf exceptions, les essais de montures doivent se faire lorsque le client est debout (manteaux, sacs à mains, foulards déposés…) afin d’intégrer le choix de la monture à l’ensemble du corps, tout en veillant à ce que le client ne se regarde pas pendant cette phase puisqu’il ne connaît pas précisément le sens de votre recherche (choix de forme ou de couleur!). D’autant plus que vous avez le droit à l’erreur dans cette recherche (sans pour autant prendre le risque d’affoler le client!) Cette première phase d’essai doit vous permettre par élimination, de ne retenir que les 3 ou 4 montures les plus adaptées.

4. Justification du choix proposé

C’est alors le moment de placer votre client face au miroir et de lui démontrer, grâce à une gestuelle appropriée, en quoi le produit proposé répond bien à toutes ses attentes. Il est important de toujours valoriser votre proposition en utilisant des termes positifs.

Attentes esthétiques: (réponse en 6 points)

• Respect de la ligne des sourcils

• Respect de la ligne des pommettes

• Regard centré

• Bonne position et largeur du tenon par rapport à la taille du visage

• Bon appui nasal

• Une couleur qui donne bonne mine

Attentes émotionnelles

En revenant sur la bonne correspondance entre la monture sélectionnée et le SONCAS, vous lui montrez alors que votre conseil va bien au-delà de simples critères de mode… Vous lui demandez alors son avis, et en cas de désaccord, vous reprenez une sélection et des propositions en conservant de côté votre première section afin d’y revenir si nécessaire.

Après le choix final de la monture, vous êtes à même de procéder à la vente des verres avec 3 offres de prix correspondant à des technologies de plus en plus sophistiquées. Il sera alors temps de conclure votre vente en sécurisant votre client sur le bon achat qu’il vient d’effectuer et qui correspond précisément à l’ensemble de ses attentes.

La livraison et le service après-vente

Grâce à l’optomorphisme, celui qui effectuera la livraison de la monture va retrouver très naturellement l’ensemble des arguments qui ont justifié préalablement le choix des lunettes. Il doit alors les rappeler au client et lui fournir les bons arguments à utiliser au cas où quelqu’un d’extérieur viendrait à critiquer ce choix.

Cette même attitude doit également être répétée lorsque le client revient pour un quelconque service après-vente, sachant bien qu’un compliment fait toujours plaisir, et que votre client finira par « s’approprier »  votre démarche en étant persuadé que c’est lui qui, sous votre conseil, reste l’artisan de son choix. En fait, c’est le meilleur compliment qu’il peut vous faire auprès de sa famille et de ses amis!

Bien conduire sa vente (1ère partie)

Par Claude Guérin

Les motivations qui animent tous nos clients lors de leurs achats vont effectivement s’avérer à chaque fois très différentes, tant à cause des caractères propres à chaque individu et à leurs critères de valeurs culturels et sociaux, que selon les circonstances. Il n’est pas rare que les attentes d’une même personne soient totalement différentes en fonction du moment.

À titre d’exemple, ce n’est pas parce que l’on gagne beaucoup d’argent que l’on va avoir systématiquement envie de s’acheter des lunettes de luxe. En effet, si la personne passe à mon bureau pour acheter des lunettes pour jardiner ou tailler ses rosiers, il devient, à juste titre, facile d’accorder à cet achat d’autres valeurs prioritaires telles que la robustesse, la solidité et la fiabilité.

À l’inverse, une personne modeste a parfaitement le droit d’utiliser son épargne pour s’acheter des lunettes Cartier dans un désir d’être « reconnue ». Elle peut aussi souhaiter se pourvoir de verres sophistiqués et onéreux dont elle aura entendu parler, considérant, comme beaucoup, que le bon marché est toujours trop cher parce que très souvent éphémère!

De même, est-il très dangereux de juger de la qualité de votre client sur sa tenue vestimentaire. En effet, un banquier  peut parfaitement entrer dans mon bureau avec sa tenue de jardinage pour faire l’achat de lunettes de luxe pour ses activités socioprofessionnelles et relationnelles.

La prudence élémentaire, comme la simple courtoisie, exigent ainsi de ne pas « coller des étiquettes » ou d’a priori systématiques sur nos clients, mais plutôt de se renseigner pour bien évaluer leurs attentes et leurs besoins précis.

Le SONCAS : une technique éprouvée

Dans ma pratique quotidienne, j’utilise la technique de vente SONCAS pour comprendre les motivations inconscientes de mes clients. SONCAS est un acronyme qui se base sur la signification des mots suivants :

Sécurité pour le besoin d’être rassuré par la marque, le produit et le vendeur.

Orgueil pour le besoin d’être à la mode et branché.

Nouveauté pour besoin de changement, de modernité technologique.

Confort pour besoin de bien-être.

Argent pour le besoin d’économie et le désir de faire une bonne affaire.

Sympathie pour le besoin affectif en se faisant un cadeau.

La plupart de nos montures sont en mesure de satisfaire l’ensemble des attentes de nos clients. C’est pourquoi ce n’est pas l’objet en lui-même que vous allez leur vendre, mais bien la parfaite adéquation qui va se créer entre la monture proposée et l’attente du client.

Exemples de situations

  • Un client vient dans votre bureau pour acheter avant tout du Confort! Si vos arguments consistent à valoriser son Orgueil, c’est-à-dire l’aspect « branché » ou l’Argent et la perspective économique du produit, vous serez totalement à côté de la plaque de telle sorte que votre client n’entendra pas votre discours! Par contre, si vous lui parlez de la légèreté de la monture, de la souplesse des branches, de son bon appui nasal, de la stabilité de la monture qui feront en sorte qu’il ne ressentira aucune gêne, vous venez de vous placer juste dans la cible de ses motivations. Ainsi, le client entendra que vous répondez à ses préoccupations et il écoutera d’autant plus vos conseils.
  • Quelques instants plus tard, un autre client entre dans votre magasin et vous avez déterminé qu’il effectue un achat dans une perspective de Nouveauté. Votre conseil s’est pourtant arrêté sur la même monture! En répondant à son désir de modernité et de goût pour les nouvelles technologies, vous changerez votre argumentaire (le précédent était axé sur le confort) en lui démontrant que cette monture est en titane ou fibre de carbone et en prenant soin de lui expliquer les avantages de ces métaux.
  • Un peu plus tard, c’est au tour d’un couple dont les motivations se rapportent à la Sympathie. Encore une fois, c’est la même monture que pour les deux autres cas précédents. Là, vous avez compris que l’homme du couple est en mode séduction vis-à-vis de sa compagne. Votre argumentaire sera destinée à cette dernière. Il vous reviendra de démontrer combien la monture choisie correspond à sa recherche esthétique en touchant le caractère affectif de cet achat.
  • De même, lorsque votre client suivant est en quête de valorisation sociale, vous lui expliquerez alors qu’il s’agit d’une griffe prestigieuse, ou de la création d’un designer de renom et vous parlerez de l’originalité de cette monture qui ne se retrouvera pas sur le visage de tout le monde. Vous aurez ainsi répondu à sa motivation d’Orgueil.

Pour conclure, il vous revient de mettre en place, dans chaque situation, le bon argumentaire en ayant bien conscience que c’est grâce à lui que vous emporterez l’adhésion finale de votre client. Sa pertinence vaudra mille annonces publicitaires! Nous verrons dans ma prochaine (et dernière) chronique les différents aspects de la vente.