Infidèles, irresponsables, paresseux… Les milléniaux, à savoir les 18-34 ans d’aujourd’hui, ont mauvaise presse sur le marché du travail. À tort ou à raison? Et si, en vérité, le problème venait plutôt d’une incompréhension de ce que sont les jeunes actuels de la part des employeurs…
Une récente étude du cabinet-conseil en ressources humaines Randstad Canada permet d’y voir clair à ce sujet. Elle met en effet au jour ce qui attire les milléniaux à la recherche d’un emploi ainsi que ce qui les motive à donner leur 110 pour cent, une fois embauchés. Et il en ressort – est-ce une surprise? – qu’il convient de les séduire autrement que les autres générations.
> Ce qui les attire
– L’égalité des sexes. Pour 87 pour cent des jeunes actuels, il est crucial que le milieu de travail dans lequel ils évoluent traite les hommes et les femmes sur un même pied d’égalité. Par exemple, aucune discrimination salariale basée sur le sexe n’est tolérable, à leurs yeux.
– L’entreprise, mais aussi la communauté. La même proportion de milléniaux tient à travailler non seulement pour le bénéfice de l’entreprise, mais aussi pour celui de toute la communauté dans laquelle celle-ci se trouve. D’où l’intérêt pour l’employeur de veiller à avoir un impact positif sur le plan socio-économique (dons à un organisme de bienfaisance, sous-traitance locale…).
– L’humain, pas l’argent. La majorité des jeunes actuels attendent de leur employeur qu’il se soucie vraiment du bien-être de ses employés. Ce qui peut se traduire par une certaine flexibilité des horaires de travail, une assurance maladie solide, ou encore des programmes de formation ou de perfectionnement. En revanche, inutile de leur faire miroiter, par exemple, des primes liées à la performance individuelle, ça ne les intéressera pas.
> Ce qui les motive, une fois recrutés
– L’écoute. Les nouvelles recrues s’attendent à ce que leur gestionnaire soit à l’écoute de leurs idées neuves et autres suggestions. Mieux, ils espèrent qu’on tiendra vraiment compte de leur opinion. Bref, ils souhaitent un dialogue ouvert. Ce qui, malheureusement, est souvent pris par les gestionnaires comme une forme de contestation de leur autorité.
– La responsabilisation. Pour les milléniaux, rien de plus tripant que de se voir confier une mission au travail. Ou à tout le moins, de pouvoir travailler de manière relativement autonome, sans être contraint par leur gestionnaire ou leurs collègues plus expérimentés de devoir remplir leurs tâches « comme on l’a toujours fait depuis vingt ans ».
– La collaboration. Depuis l’enfance, les jeunes actuels sont habitués à travailler en équipe, pour ne pas dire en gang. Il leur paraît donc normal d’agir de la même façon au travail. Résultat? Oubliez l’idée de leur confier des tâches individuelles, ou encore de les évaluer de manière individuelle : l’individualisme des générations précédentes leur est totalement étranger.
– Le coach, pas le leader. Autre source d’incompréhension : le leadership. Les milléniaux s’attendent à ce que le «leader» de l’équipe agisse, en fait, en coach, comme dans une équipe de hockey. C’est-à-dire non pas quelqu’un qui est là pour commander et contrôler, mais pour les comprendre, les conseiller et les soutenir. Pour eux, s’ils ont été embauchés, ce n’est pas pour être encadrés, mais pour favoriser l’épanouissement de leur plein potentiel.
Comment traduire tout cela sur le terrain ? Peut-être bien en s’inspirant de ce qu’a fait récemment la . La chaîne de distribution d’optique a réalisé en 2013 qu’elle manquait cruellement de main-d’œuvre et a décidé de lancer une campagne de séduction à l’attention des jeunes titulaires d’un brevet de technicien supérieur (BTS). Le cœur de son message était on ne peut plus simple : « L’épanouissement de nos collaborateurs est une de nos valeurs fondatrices ».
C’est ainsi qu’elle a établi son « contrat d’épanouissement », qui tenait en dix points :
- Tu démocratiseras les lunettes de vue.
- Tu recevras une formation personnalisée dès ton embauche.
- Tu connaîtras toutes les facettes du métier.
- Tu feras gagner ton équipe.
- Tu relèveras tes compétences.
- Tu seras récompensé(e) de tes performances.
- Tu iras là où t’attendent les meilleures opportunités.
- Tu pourras devenir ton propre patron.
- Tu seras accompagné(e) à chaque étape de ta carrière.
- Tu apprécieras la convivialité d’un environnement de qualité.
Ce contrat-là était au cœur des communications adressées aux jeunes diplômés, essentiellement par l’entremise des médias sociaux (Facebook, Twitter…). Il suffisait de le signer en ligne, et on obtenait automatiquement un entretien d’embauche dans la boutique la plus proche.
« L’objectif était de recruter quelque 400 jeunes par an – des opticiens, des monteurs-vendeurs, des conseillers de vente en optique… –, en nouant avec chacun d’eux un contrat par lequel l’employeur s’engageait à faire tout son possible pour leur épanouissement au travail. Il a été pulvérisé : la Générale d’Optique continue de crouler sous les candidatures, quatre années plus tard », dit Arnaud Pottier Rossi, directeur général, de l’agence de communication Kalaapa, qui a signé cette campagne de recrutement.
La raison de son succès fracassant? « La Générale d’Optique a compris que les jeunes collaborateurs d’aujourd’hui n’étaient plus de simples employés, mais des citoyens responsables œuvrant au sein d’une organisation », explique-t-il.
Ce que les employeurs actuels gagneraient à saisir au plus vite…
Par Olivier Schmouker