Par Frédéric Gagnon, O.D., FAAO
Le mois d’août s’amorce avec son nombre accru d’examens visuels coïncidant au retour à l’école. De plus en plus d’établissements exigent des parents qu’ils fassent passer un examen de la vue à leur enfant avant leur entrée au primaire. C’est une excellente mesure qui offre tous les outils visuels nécessaires à l’apprentissage des notions de bases, et ce dès le début de l’enseignement scolaire qui commence maintenant à la maternelle. Ces premiers examens permettent de dépister et de traiter des amétropies dont l’astigmatisme, source possible d’amblyopie. Tel que démontré par les études, l’ajustement de lentilles cornéennes (LC) peut être envisagé chez l’enfant d’âge primaire, qui n’est pas plus à risque de complications que l’adulte1.
Les lentilles cornéennes souples toriques
Les design de conception de LC toriques se sont optimisés avec les années et aident à bien corriger l’astigmatisme, soit avec des montants de rotation minimes, soit en compensant par des calculs de surréfraction2. Les systèmes de prisme ballast et ceux qui en sont dérivés font toujours leur preuve dans des LC à remplacement mensuel comme les PureVision® 2, Air OptixTM, Proclear®, Encore 100® et Biofinity®. Les lentilles Acuvue® Oasys® et Advance® Plus utilisent quant à elles un design de quatre zones de stabilisation qui mettent à contribution l’effet des paupières. Dans les rares cas de rotation majeure de la LC (i.e. instable ou de 15 degrés à plus), il est bon de se rappeler d’utiliser un design différent.
La multiplication des paramètres en LC à usage unique
Le pouvoir du marché a amené l’industrie à augmenter la gamme d’amétropies corrigées, incluant les axes disponibles et montants d’astigmatisme corrigés dans les LC à usage unique. Les lentilles basées sur un système de prisme ballast sont la Biomedics® et la SofLens®. La Acuvue Moist® se base sur le système des quatre zones de stabilisation alors que la toute dernière Dailies® AquaComfort PlusTM met à profit le double amincissement du bord supérieur et inférieur de la LC.
La correction d’un fort astigmatisme en LC
Les design de LC toriques permettent une bonne correction de l’astigmatisme jusqu’à 2,25 D. Toutefois, si le professionnel de la vue constate chez son patient la rotation même légère d’une LC à 2,25 D d’astigmatisme, il doit songer à la possibilité d’un ajustement en LC perméables au gaz (PAG). Une LC PAG sphérique (de petit diamètre ou de type scléral) permet de bien corriger jusqu’à 2,50 D d’astigmatisme cornéen. La flexion de la LC PAG avec des montants d’astigmatismes plus élevés rend sa correction plus difficile. Il est alors préférable d’opter pour une LC PAG torique. Fait à noter, certains manufacturiers de LC PAG de type sclérale proposent de plus en plus de compenser l’astigmatisme résiduel en incorporant de l’astigmatisme sur la face antérieure de la LC.
Faut-il corriger tout astigmatisme de 0,75 D ?
Si on l’inclut dans la prescription de lunettes, il devrait l’être aussi dans la correction en LC. Pourquoi? D’abord parce que, tel que mentionné plus haut, les design de LC toriques se sont énormément améliorés, ce qui facilite grandement l’ajustement. Ensuite, l’introduction de matériaux à faible module de rigidité minimise la sensation des zones de stabilisation de rotation de la LC. En l’absence de rotation, le professionnel de la vision devrait à tout le moins mentionner à son patient astigmate qu’une correction en LC existe s’il note une différence entre la qualité optique de ses lunettes et celle que lui procurent ses LC sphériques. Pour des raisons d’équilibre de confort entre les deux yeux, il peut arriver que le patient et son praticien décident de ne pas effectuer de correction dans le cas d’un astigmatisme monoculaire. Toutefois, les astigmatismes obliques de 1,25 D ou plus peuvent très difficilement être compensés en équivalent sphérique sans compromettre significativement le bonheur visuel du patient.
« Je ne peux pas porter de LC parce que je fais de l’astigmatisme. »
Au 21e siècle, entendre cette affirmation est désolant. L’astigmatisme n’est pas une contre-indication au port de LC, ni au bon confort visuel. Au risque de se répéter, la qualité des design de LC toriques en font des produits confortables et faciles à ajuster. Pour ce qui est de la presbytie, la Proclear torique multifocale permet de la corriger, tout comme l’astigmatisme. Les LC PAG telles que les ReclaimTM HD et OneFit permettent aussi de corriger l’astigmatisme et la presbytie. Si on désire maintenir l’usage des LC souples, on peut procéder à une monovision modifiée (i.e. une LC multifocale et une torique sur l’œil non dominant) ou une monovision avec des LC toriques. Dans le cas d’anisométropies méridionales prononcées avec aniséïconie, le port de LC est approprié pour obtenir des images de même grandeur – ce qu’une lentille ophtalmique assure plus difficilement.
Dans ce contexte de compétition féroce avec le marché de l’Internet, il est impératif pour la survie des professionnels de la vue d’offrir de bons produits à leurs patients astigmates porteurs de LC. Les besoins visuels des patients augmentent avec la multiplication des tâches visuelles. Si les écoles exigent un examen de la vue avant l’entrée à l’école, certaines associations sportives telles que le soccer exigent aussi de ne pas porter de lunettes lors de la pratique. Ne serait-ce que pour les cours d’éducation physique, il est du devoir des professionnels de la vue d’offrir l’ajustement de LC depuis l’enfance. En cette fin d’été et ce retour en classe, espérons que les regards des enfants que vous croiserez dans vos bureaux vous rappelleront l’importance que vous jouez pour assurer à vos patients la meilleure vision qui soit.
- WAGNER, H et al. « Risk factors for interruption to soft contact lens wear in children and young adults », Optometry and Vision Science 88(8), 2011, 973-80.
2. GAGNON Frédéric et MICHAUD Langis. « Chapitre 3 : Choix des lentilles de contact et de leurs modalités d’entretien » de Les lentilles de contact : optimisation de l’adaptation, utilisation et entretien, Paris, Lavoisier, 2012, p.87-116.