Par Isabelle Boin-Serveau
Il est possible de se soigner de l’intérieur, de prévenir certaines maladies oculaires ou réduire leur développement, notamment avec un apport en oméga-3 et des suppléments vitaminiques qui sont aujourd’hui de plus en plus considérés dans les soins oculaires. Petit voyage autour des yeux…
Une histoire d’acides gras
Depuis cinq ou six ans, on assiste à une tendance lourde dans l’industrie de l’alimentation : la prolifération d’un étiquetage indiquant la présence d’oméga-3 dans les produits. Une tendance qui fait écho aux nombreuses études tendant à prouver que cette série d’acides gras fait cruellement défaut dans le régime alimentaire des pays occidentaux et que ce manque a des conséquences funestes sur la santé. Pour mieux l’illustrer, on a pu observer que les maladies cardiovasculaires chez les Esquimaux étaient pratiquement inexistantes. La clé du mystère a vite été identifiée : leur alimentation à base de poissons très riches en acides polyinsaturés, c’est-à-dire d’oméga-3. La santé en général, de concert avec celle de la vision, serait donc une histoire de gras. Mais attention, pas n’importe lequel!
Pour démêler les fils d’une histoire compliquée, nous avons demandé à la Dre Barbara Pelletier, optométriste et coauteure de deux ouvrages sur les Aliments pour les yeux[1], de mettre en lumière le débalancement dont les Occidentaux sont victimes : « Le corps humain a besoin d’un équilibre entre les acides gras oméga-3 qui sont anti-inflammatoires et les oméga-6 qui sont pro-inflammatoires. Comme l’alimentation typique nord-américaine est abondante en omégas-6 et déficiente en omégas-3, le corps est en déséquilibre, ce qui cause une inflammation chronique qui peut se manifester de différentes façons, dont le syndrome de l’œil sec. »
Certains acides gras, dont les lipides saturés, sont à consommer avec modération car ils s’avèrent impitoyables pour les artères en favorisant les risques d’infarctus, d’hypertension artérielle, d’artériosclérose, etc. Ces lipides saturés se retrouvent essentiellement dans les graisses animales : beurre, viande rouge, laitage, crème, fromage… Si les lipides saturés augmentent le taux de cholestérol, les lipides mono-insaturés, contenus dans l’huile d’olive, ont bien heureusement le pouvoir de le faire baisser, tel qu’on l’observe dans les pays méditerranéens. Enfin, les lipides poly-insaturés, auxquels appartiennent les oméga-6, sont présents dans les viandes blanches, l’huile de tournesol et de maïs, alors que les oméga-3 sont présents dans les poissons, le soja, les noix et le canola. Ces derniers lipides polyinsaturés sont désormais reconnus pour réduire le taux de cholestérol dans le sang. C’est, bien sûr, les oméga-3 qui retiennent l’attention et qui sont fortement recommandés en suppléments.
Les trois types d’oméga-3
Tout d’abord, les oméga-3 sont considérés comme « essentiels » parce que le corps ne peut les synthétiser ni les emmagasiner pour de longues périodes. L’AAL (acide alpha-linolénique), d’origine végétale, est présent dans l’huile de noix, de canola, de soya et les graines moulues de chanvre, celles de lin ou de chia ainsi que dans les noix, certains légumes verts et dans les œufs. Les deux autres acides gras oméga-3 sont l’AEP (acide eicosapentaénoïque) et l’ADH (acide docosahexaénoïque) que l’on rencontre dans les algues et les poissons gras (sardine, maquereau, hareng, anguille) ou mi-gras (saumon, flétan, truite saumonée). Ces deux types d’oméga 3 peuvent être synthétisés par l’organisme à partir de l’AAL, « mais cette conversion est trop minime pour être significative. Le corps n’a pas la capacité de stocker les oméga-3 qu’il utilise au fur et à mesure et qui lui sont fournis. Quel que soit son âge, si on ne consomme pas régulièrement une quantité suffisante de ces éléments nutritifs, il faut envisager des suppléments. De plus, si une personne a une maladie oculaire spécifique ou encore de forts facteurs de risques, il faut, dans ce cas, prescrire un supplément. Cependant, n’oublions pas que les suppléments ne remplacent pas une bonne alimentation et que dans les cas où les conditions cliniques l’exigent, la bonne alimentation ne remplace pas le supplément », explique Barbara Pelletier, qui ajoute que ce sont « les propriétés anti-inflammatoires de l’oméga-3 AEP qui sont bénéfiques pour les yeux secs et la DMLA alors que l’oméga-3 ADH fait partie des membranes cellulaires et joue un rôle dans la cascade visuelle, ce qui est aussi bénéfique dans la prévention de la DMLA ».
Les oméga-3? Parlez-en au Dr Michael Chaiken, optométriste depuis 1977 et ex-président de l’Ordre des optométristes du Québec pendant 8 ans (jusqu’en 2001), car il en mange! Dans tous les sens du terme…
En 2009, le hasard le pousse à se pencher sur le dossier des oméga-3. Un ami d’enfance de Brooklyn, propriétaire de la compagnie américaine PRN (Physician Recommended Nutriceuticals), l’informe de son désir de pénétrer le marché canadien : « À l’époque, on commençait à faire des conférences dans le milieu de l’optique sur les bienfaits des oméga-3… et quand mon ami m’a dit que la formule de ses produits avait été mise au point par des chercheurs et rétinologues aussi réputés que les Drs Allen Ho et Mitchell Fineman de l’Institut Wills Eye[2], mon intérêt pour PRN s’est animé. » Après avoir procédé à une enquête approfondie sur la fiabilité et la crédibilité de l’entreprise, Il épluchera ainsi des centaines d’études qui finiront par le convaincre de s’investir dans la création de PRN Canada[3]. Aujourd’hui, il assure avec fierté la vice-présidence aux opérations.
Depuis juillet 2010, les ophtalmologistes et optométristes IRIS proposent les produits PRN à leur clientèle. Les patients reçoivent ainsi les produits référés directement à leur domicile. Rappelons, pour information, qu’au Canada, la vente des vitamines ou suppléments est encadrée par un règlement (http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/F-27/). « Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est comment se fabriquent les oméga-3 », insiste Michael Chaiken. En effet, comme dans le cas d’autres suppléments, les lois qui régissent leur commercialisation considèrent l’intégrité des ingrédients qui composent les produits sans pour autant se soucier réellement des paramètres de qualité.
Les dessous de la fabrication
Les oméga-3 (AEP et ADH) d’origine marine doivent idéalement provenir de petits poissons. Mais en quoi la taille serait-elle importante? « Parce que de gros poissons sont forcément plus vieux et, par conséquent, ont le temps d’emmagasiner des contaminants malheureusement présents dans les océans », note le Dr Chaiken. De même, en pêchant dans des zones réputées moins contaminées, telles que dans le sud de l’Amérique du Sud (lieu des pêches pour PRN), il est possible de réduire la présence de contaminants.
Intervient ensuite le traitement proprement dit des poissons qui amène à une huile de première presse qui se présente sous sa forme moléculaire triglycéride (TG) que le corps absorbe très bien. Malheureusement, cette huile native renferme également des toxines potentiellement cancéreuses issues de notre environnement.
C’est pour se débarrasser des polluants que l’on utilise de l’alcool transformant la forme triglycéride en forme ester éthylique (EE). Selon Michael Chaiken, «c’est malheureusement sous cette forme que les oméga-3 sont le plus communément commercialisés en Amérique du Nord». Chez PRN, on a reconsidéré la fabrication pour appliquer une reconversion de l’huile dans sa forme native après décontamination à l’alcool afin de produire des oméga-3 plus efficaces dans la mesure où « les oméga-3 sous forme triglycéride s’absorbent beaucoup mieux par le corps et sont donc à privilégier », recommande la Dre Barbara Pelletier.
Le Dr Michael Chaiken tient, par ailleurs, à préciser que les oméga-3 ne se trouvent pas dans les poissons mais plutôt dans ce que mangent les poissons : « Ils nagent dans l’océan et se nourrissent d’algues… ce sont elles qui procurent les acides gras oméga-3! » D’autre part, Michael Chaiken estime que les compléments oméga-3 identifiés dans beaucoup de produits alimentaires sont le plus souvent des acides gras AAL lesquels « ne sont pas adéquats pour obtenir les effets bénéfiques que l’on recherche avec les oméga-3. Des études confirment que les AAL augmentent les risques de DMLA de 49 % et favorisent la formation de DMLA humide ».
Une question de dosage
« Dans un monde idéal, les gens obtiendraient leurs éléments nutritifs de leur alimentation. Ce n’est pas le cas pour un grand nombre de personnes. Les suppléments peuvent, selon le cas, soulager, diminuer la progression ou aider à prévenir les conditions suivantes : le syndrome de l’œil sec, la blépharite, la meibomiite et la DMLA », signale l’optométriste Barbara Pelletier.
Quant au dosage, Barbara Pelletier conseille de ne pas fier à la quantité d’huile de poisson comprise dans la gélule mais plutôt au pourcentage de concentration d’AEP et d’ADH. « La dose nécessaire peut varier selon le patient, mais en général il faut au moins 1 000 mg et plus souvent 2 500 mg d’AEP et d’ADH pour maintenir un état d’équilibre et obtenir des résultats. », ajoute l’optométriste.
À la question : quand devrions-nous prendre des oméga-3? Michael Chaiken réplique avec conviction : « Toujours! » Barbara Pelletier croit aussi que « les acides gras oméga-3 ADH et AEP sont primordiaux pour le fonctionnement de l’œil et de la cascade visuelle et nous en avons besoin quotidiennement. »
Vitamines et pigments rétiniens
Les recherches menées par l’AREDS (Age-Related Eye Disease Study) au début des années 2000 ont confirmé l’importance des caroténoïdes pour la macula. Barbara Pelletier précise le rôle que jouent ces pigments rétiniens : « La lutéine et la zéaxanthine agissent notamment comme antioxydants et comme filtres de la lumière bleue. Leurs propriétés sont importantes pour la réduction de la progression ou la prévention de la DMLA ainsi que pour la réduction de l’éblouissement. Nos corps ne peuvent fabriquer aucun de ces pigments. » En effet, la pigmentation de la macula tend à s’estomper avec l’âge et la maladie, rendant une supplémentation nécessaire.
C’est un concours de circonstances qui a placé Frédéric Jouhet, entrepreneur français installé aux États-Unis, à la tête de MacuHealth[4]. En 2006, il venait d’apprendre que sa belle-mère souffrait de la DMLA et il avait été approché pour investir dans deux produits qui entretenaient un lien direct avec cette maladie oculaire : un instrument de mesure MacuScope (dont il abandonnera la fabrication après avoir entrepris des tests peu concluants) et les suppléments MacuHealth.
Frédéric Jouhet décide de se lancer dans l’aventure MacuHealth. Pour cet entrepreneur, le problème de nos sociétés occidentales consiste à « traiter les maladies au lieu de traiter la santé » et éviter que les maladies n’apparaissent. Tout comme avec les oméga-3, les suppléments en caroténoïdes s’insèrent logiquement dans le cadre d’un traitement préventif.
Si la lutéine et la zéaxanthine sont clairement identifiées, un troisième caroténoïde a été récemment détecté, la meso-zéaxanthine qui semble composer 30 % du centre de la macula[5]. C’est donc la combinaison de ces trois composants que Frédéric Jouhet propose depuis 2007 avec les suppléments MacuHealth : « Nous avons investi quelque 6 millions de dollars dans des études scientifiques indépendantes pour démontrer sans équivoque l’efficacité de notre formule dans la prévention contre la DMLA. Il s’avère que les trois caroténoïdes travaillent mieux ensemble. »
Comment obtenir ces pigments rétiniens ?
« Dans l’alimentation, mais la plupart des gens n’en consomment pas assez », rappelle l’optométriste Barbara Pelletier, qui nous livre ici quelques aliments à forte teneur en lutéine et zéaxanthine : « les légumes à feuilles vertes comme le chou vert frisé (kale), les épinards, le brocoli-rave etc. Le chou vert frisé contient une quantité de lutéine de loin supérieure aux autres aliments. En effet une feuille moyenne de chou vert frisé contient environ 10 mg de lutéine. Les jaunes d’œufs contiennent aussi de la lutéine, en moins grande quantité, mais celle-ci est très biodisponible, et donc très bien absorbée par le corps. La meilleure source alimentaire de zéaxanthine est le poivron orange. Un demi poivron orange de taille moyenne en contient 3 mg. C’est énorme! »
Pourtant, selon Frédéric Jouhet,« pour obtenir un apport suffisant en caroténoïdes, il faudrait manger une quantité astronomique de tous ces légumes ». Des légumes que sa compagnie utilise dans la fabrication des suppléments MacuHealth. Tout commence à Monterrey au Mexique où les pigments sont extraits d’œillets, de poivrons et de divers légumes, selon une formule botanique. Réduits à l’état de « pâte », les précieux pigments prennent ensuite la route pour rejoindre une usine californienne et y subir un conditionnement en gélules : « Nous avons procédé à des recherches pour trouver le dosage idéal de ces caroténoïdes qui serait d’environ 22 mg et des études prouvent que notre combinaison améliore la vision, la résistance à l’éblouissement et aux effets néfastes des rayons de la lumière bleue auxquels nous sommes tous confrontés.» Le parti qui a été pris par MacuHealth est de ne pas ajouter des éléments vitaminés (C, E, zinc, etc.) à sa formule, tout simplement « parce que nous ne voulons interférer avec d’autres prises et préférons viser les trois composantes de la macula », indique son président qui ajoute que son objectif est de diffuser son produit auprès des professionnels de la vue afin d’assurer une meilleure protection des consommateurs.
La compagnie Alcon-Novartis (Novartis a racheté Alcon en 2008) commercialise avec succès Vitalux® plus OMEGA-3. Le produit rassemble des vitamines et minéraux antioxydants, la luthéine et la zéaxanthine ainsi que des oméga-3 sous forme triglycéride. Une formule qui est recommandée par bon nombre d’optométristes. De plus, Alcon offre sur le marché une série de produits, présentant des concentrations différentes destinées à prévenir ou à combattre le développement de la DMLA : Vitalux Timed Release, Vitalux AREDS, Vitalux Healthy Eyes et Vitalux-S. La compagnie met d’ailleurs en ligne un site interactif pour les consommateurs, Eyeclub.ca, sur lequel des tests, des informations sur les produits et des liens sont disponibles. Mais Alcon ne s’attaque pas seulement à la DMLA. Avec sa solution SYSTANE, elle vient en aide aux personnes atteintes par la sécheresse oculaire qui cause non seulement de l’inconfort et de la fatigue mais qui peut aussi entraîner de sérieux dommages sur le globe oculaire.
Parmi les suppléments, il ne faudrait pas oublier le rôle majeur que jouent les vitamines C et E ainsi que le zinc pour assurer une meilleure santé de l’œil. Certaines études constatent, par exemple, que la supplémentation en vitamine C et E, en se concentrant dans le cristallin, diminue le risque de cataractes.
Enfin, concernant des mélanges vitaminés à éviter pour la santé oculaire, Barbara Pelletier fait savoir que « certaines études démontrent que de trop fortes doses de suppléments de bêta-carotène peuvent nuire à l’absorption de lutéine et de zéaxanthine, qui sont importantes dans la prévention de la progression de la DMLA. De plus, de fortes doses de bêta-carotène sous forme de suppléments ont démontré un risque accru de cancer du poumon chez les fumeurs. Par contre, l’apport de bêta-carotène provenant d’aliments ne pose pas de risque accru ».
Notre voyage autour des yeux sera toujours à reprendre tant les découvertes scientifiques apportent de nouveaux éléments qu’il faudra considérer dans l’approche des soins oculaires.
[5] On lira d’ailleurs à profit la documentation scientifique qui existe concernant la meso-zéaxanthine sur le site indépendant www.meso-zeaxanthin.org.
Le Naturiste: symbole des produits santé
Une étude menée en 2004 par Statistique Canada révèle que « la prévalence de la consommation de suppléments de vitamines et de minéraux était significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes, soit 47 % contre 34 %. Cet écart existait chez tous les groupes d’âge après 14 ans et s’accentuait aux âges avancés, la différence la plus importante étant observée chez le groupe des 51 à 70 ans ».
Au Québec, le mouvement naturopathe prend ses racines aussi loin que dans les années 1930 avec les Laboratoires Robert qui se spécialisent dans les aliments thérapeutiques. En 1954, Adrien Gagnon fonde la revue Santé Naturelle et en 1968, le Dr Jean-Marc Brunet crée la chaîne de magasins Le Naturiste. Après avoir été racheté par une compagnie américaine, Le Naturiste est redevenu une enseigne québécoise en 2012 grâce à l’acquisition de deux associés : Mélanie Kau et Stephen Rosenhek. La première a fait ses preuves d’entrepreneure dans le marketing, branding et expérience client au sein de l’entreprise familiale Mobilia et le deuxième a été responsable des opérations de RSM Richter Chamberland.
Dans un premier temps, les nouveaux propriétaires se sont fixé l’objectif de revamper l’image du Le Naturiste. Mais, « on se permet de rêver grand, […] on va roder notre offre au Québec d’abord », a déclaré Mélanie Kau au journaliste des Affaires le 3 octobre 2012, alors que Stephen Rosenhek confiait que « le marché des produits de santé naturels est en pleine croissance. On parle de 6 % à 8 % au niveau mondial. De plus en plus de gens prennent en charge leur santé. »
De fait, avec ses 72 magasins, dont 2 au Nouveau-Brunswick, Le Naturiste surfe sur la tendance santé. Mais il propose bien plus aux consommateurs : une solide documentation sur les effets salutaires des produits ainsi qu’une formation donnée aux employés assurant un soutien de qualité. Deux composantes qui font du Le Naturiste la plus grande chaîne de magasins spécialisés dans les suppléments vitaminiques et les autres produits santé. Le Naturiste distribue de multiples marques telles que Genacol, Genuine Health, New Nordic, Salba, EAS, PVL, Le Naturiste, Adrien Gagnon, etc.